Le Crépuscule des Aigles, film de John Guillermin, commentaire

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Le crépuscule des aigles,
     (The  blue Max),      1966, 
 
de : John  Guillermin, 
 
  avec : George Peppard, James Mason, Ursula Andress, Anton Diffring, Jeremy Kemp, Derren Nesbitt, Karl Michael Vogler,
 
Musique : Jerry Goldsmith


 
1918. Le Lieutenant Bruno Stachel (George Peppard) est muté dans une escadrille aérienne commandée par le Hauptmann Otto Heidemann (Karl Michael Vogler). L'un des pilotes, Willi von Klugermann (Jeremy Kemp) est sur le point de recevoir la médaille du mérite, décernée lorsque l'on a descendu vingt avions ennemis. Le rêve de Bruno est de conquérir cette distinction. Aussi est-il profondément dépité lorsque son premier exploit n'est pas homologué, l'armée n'ayant pas trouvé trace de l'appareil abattu. Sa rage décuple et ses exploits ne tardent pas à s'amonceler. Il fait un jour la connaissance de Kaeti (Ursula Andress), épouse très délurée du Général von Klugermann (James Mason), oncle de Willi... 
 
 La reconstitution des combats aériens de la première guerre mondiale est tout à fait satisfaisante, mais ce n'est pas cet aspect de l'histoire, assez répétitif, qui constitue l'intérêt majeur du film. Le principal attrait réside dans l'étude d'une galerie de personnages, au premier rang desquels brille un Bruno Stachel incarné magistralement par George Peppard, qui annonce, à travers des personnalités hétéroclites jetées dans un conflit mondial, la grande mutation sociologique et politique à venir. Un peu comme dans "Le Guépard", mais d'une manière beaucoup plus brutale, les derniers aristocrates, à l'image de Otto et du Général von Klugermann, assistent, soit consentants, soit forcés, à un basculement inéluctable des valeurs morales. La noblesse d'âme, la dignité, qui, malgré la férocité des combats et la soumission à la patrie, tenait encore une place de premier plan dans l'esprit de certains officiers, se dissout rapidement pour laisser place à l'arrogance et à l'égoïsme des hommes du peuple. 
 
 Ivre d'orgueil, téméraire jusqu'à la folie, méprisant sans vergogne tout ce qui (et tous ceux qui) ne ser(ven)t pas ses ambitions, Stachel installe au fil de la narration une personnalité de "héros" particulièrement sombre, d'autant plus que son arrivisme quasiment criminel est la plupart du temps masqué par un sourire patelin inquiétant. Ce n'est pas tant contre l'ennemi qu'il se bat, mais plutôt contre la médiocrité de sa naissance, contre le mépris qu'affichent envers lui les fils d'aristocrates. Les personnages qui gravitent autour de lui sont définis avec une finesse et une richesse assez rares dans les oeuvres de ce genre. Ce tissu psychologique dense permet au drame de se nouer avec une efficacité et une crédibilité constantes. Il est intéressant de noter également les débuts de la percée de plusieurs phénomènes qui ne feront que s'amplifier avec le temps : la médiatisation, la démagogie et le pouvoir de la publicité. Jean-Jacques Annaud a construit son film "Stalingrad" uniquement sur ces éléments. Le monde dans lequel l'honneur était la valeur suprême est remplacé par celui où domine l'utilité immédiate. La mise en scène, très classique et policée, contraste parfois avec la rage intérieure qui anime Stachel. Mais l'ensemble est tout à fait passionnant...
   
Bernard Sellier