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Stalingrad,
     (Enemy at the gates),      2001, 
 
de : Jean-Jacques  Annaud, 
 
  avec : Ed Harris, Jude Law, Rachel Weisz, Joseph Fiennes, Bob Hoskins, Ron Perlman, Eva Mattes,
 
Musique : James Horner

   
   
Septembre 1942. Les armées du Reich occupent toute l'Europe et s'enfoncent en Russie. Mais elles se heurtent à la résistance opiniâtre de Stalingrad. Les soldats russes, qui ne reçoivent qu'un fusil pour deux, n'ont le choix qu'entre tomber sous les balles allemandes ou être abattus par leurs propres supérieurs, lorsqu'ils tentent de déserter. Un jeune berger de l'Oural, Vassili Zaitsev (Jude Law), excellent tireur, parvient à abattre un officier allemand et plusieurs de ses hommes. Un commissaire du gouvernement, Danilov (Joseph Fiennes), témoin de l'exploit, a l'idée d'utiliser le talent du soldat pour redonner courage aux troupes de l'Armée Rouge. De nombreux articles sont publiés dans les journaux et, chaque jour, Zaitsev abat son contingent de cibles. Le Major König (Ed Harris), directeur d'une école de tir, est amené à Stalingrad pour supprimer le héros gênant... 
 
   Jean-Jacques Annaud n'a tourné qu'une douzaine de films en trente ans. En revanche, il a visité des genres fort divers, depuis le préhistorique ("La guerre du feu"), jusqu'à l'aventure animalière ("Deux Frères"), en passant par la quête spirituelle ("Sept ans au Tibet") sans omettre, bien sûr, son génial thriller moyenâgeux ("Le Nom de la Rose"). Avec, il faut l'avouer, des résultats plus ou moins enthousiasmants. Son incursion dans le film de guerre se fait au travers d'une approche originale et surprenante de l'une des plus importantes batailles qui aient jamais endeuillé la terre. Sans négliger la vision globale de l'affrontement (la traversée de la Volga, au début de l'histoire, est loin d'atteindre le spectaculaire horrifique de "Il faut sauver le soldat Ryan", mais elle n'en est pas moins impressionnante), sans occulter la course à l'abîme de ces milliers de jeunes envoyés à l'abattoir au nom de la Mère Patrie, quasiment sans armes, le réalisateur se concentre ensuite sur le duel entre ces deux tireurs d'élite, authentique, semble-t-il, et qui, au premier abord, semble dérisoire à côté du carnage humain qui s'amplifie chaque jour.  
 
   Mais, parallèlement à l'aspect technique de l'affrontement : longues attentes immobiles dans la boue et le froid, manipulations informatives, errances dans un décor gris-noirâtre de ruines apocalyptiques peuplées de cadavres..., le récit développe deux autres perspectives majeures qui enveloppent ce face à face, élevant le jeu du chat et de la souris en symboles universels. Tout d'abord, celui de l'affrontement des classes. Le Major König est un aristocrate ; Vassili est un être fruste, tout juste capable d'écrire péniblement une lettre banale. Ensuite, celui du surhomme libérateur : le jeune berger devient, par le pouvoir de l'information habilement orientée, une sorte de héros susceptible de rendre aux soldats russes courage, dignité et, surtout, espoir. La hiérarchie soviétique est représentée par un Nikita Kroutchev (Bob Hoskins) déchaîné, carnassier, peut-être trop caricatural. Mais l'ensemble du régime Stalinien, qui a probablement fait disparaître autant de personnes que celui d'Hitler, n'était-il pas, en lui-même, une hideuse caricature de la prétendue égalité des hommes ? Danilov, fervent défenseur du communisme pur et dur, verra bien vite ses illusions théoriques et dogmatiques démasquées.  
 
   La grande réussite de Jean-Jacques Annaud est d'avoir su faire naître, d'une simple compétition physique, tout à fait captivante, entre deux individus, la vision sociale et politique d'un monde à l'orée de bouleversements radicaux. Cela dit, la romance entre Vassili et la touchante Tania (Rachel Weisz) était-elle vraiment utile ? Chacun répondra individuellement à cette question. Plus gênant, tout au moins avant que l'on ne s'y habitue, est le fait que tous les Russes parlent anglais en VO. C'est compréhensible pour des raisons mercantiles, mais, au premier abord, déstabilisant et nuisible à la crédibilité...
   
Bernard Sellier