Délivrance, film de John Boorman, commentaire

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Délivrance,
      (Deliverance),    1972, 
 
de : John  Boorman, 
 
  avec : Jon Voight, Burt Reynolds, Ned Beatty, Ronny Cox, Ed Ramey, James Dickey, Ken Keener,
 
Musique : ???


 
Quatre amis, Lewis Medlock (Burt Reynolds), Ed Gentry (Jon Voight), Bobby Trippe (Ned Beatty) et Drew Ballinger (Ronny Cox) ont décidé de descendre en canoé une rivière sauvage qu'un futur barrage transformera bientôt en un gigantesque lac. Tout se passe bien jusqu'à ce que Bobby et Ed, qui ont distancé leurs compagnons, se trouvent face à face avec deux énergumènes pour le moins demeurés. C'est le commencement d'un long cauchemar... 
 
 Cette œuvre mythique, qui a véritablement fait connaître John Boorman, dix ans avant "Excalibur", se rapproche beaucoup plus de "La Rivière sauvage" que des films de dégénérés que le cinéma pond régulièrement, du genre "Détour mortel" ou "La Colline a des yeux", qui n'ont pour but que d'accumuler avec sadisme et complaisance, les cadavres et les horreurs. Mais, bien plus encore que dans "La Rivière sauvage", dont le but était principalement de construire un suspense policier sur fond de paysages hostiles, la tragédie intérieure tient ici un rôle primordial. John Boorman semble n'introduire qu'à regret les assaillants, limitant le plus possible leur intervention belliqueuse, pour concentrer son exploration sur l'impact mental et émotionnel que les événements génèrent sur les personnalités.  
 
 Ici, nous sommes en présence, non d'un thriller aux atrocités soigneusement programmées et surdosées, mais d'un drame authentique, dans lequel l'homme lutte davantage contre sa peur et sa conscience que contre les agresseurs menaçants qui le guettent. Si l'on excepte la scène dans laquelle Ed et Bobby subissent les exactions des deux malades, l'ensemble de la narration se concentre sur les rapports entre l'humain et les deux natures : celle qui est extérieure à lui, magnifiquement filmée, menaçante, dangereuse, mais toujours majestueuse ; et celle qui le baigne intérieurement, secrète, anxiogène, sombre et tourmentée. La force brutale et le machisme, symbolisés par Lewis, qui, en fin de compte, quoi qu'il dise, aime davantage le risque que la nature pour elle-même, ne sortent pas victorieux de l'épreuve. Celle-ci fait peu de cas des orgueilleux, et ce sont en fait les deux personnalités les plus fragiles ou angoissées, qui se tirent le moins mal du drame. John Voight se montre d'une subtilité et d'une sobriété profondément émouvantes.  
 
 Sobriété et dignité sont les qualités dominantes de cette œuvre inoubliable.
   
Bernard Sellier