Dirty Pretty Things, film de Stephen Frears, commentaire

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Dirty pretty things,
      2002, 
 
de : Stephen  Frears, 
 
  avec :  Audrey Tautou, Chiwetel Ejiofor, Sophie Okonedo, Sergi Lopez, Zlatko Buric,
 
Musique : Nathan Larson


  
 
Londres. Okwe (Chiwetel Ejiofor), immigré clandestin originaire de Lagos, au Nigeria, travaille comme chauffeur de taxi le jour et comme gardien de nuit dans l'hôtel Baltic, appartenant à Monsieur Juan (Sergi Lopez). Il n'a pas de logement et partage en secret le petit appartement d'une jeune Turque, Senay Gelik (Audrey Tautou), employée comme femme de chambre dans le même établissement. Une nuit, Okwe découvre, dans la chambre que vient de louer une prostituée, Juliette (Sophie Okonedo), un coeur humain coincé dans le WC. Il fait part de sa découverte à Juan, qui ne paraît guère s'en émouvoir, et à son ami Guo Yi (Benedict Wong), gardien d'un crématorium hospitalier. Sa situation irrégulière lui interdit de contacter la police... 
 
 Si le sujet évoque immanquablement celui de "Mesure d'urgence", Stephen Frears laisse délibérément de côté l'aspect thriller développé par Michael Apted, pour se focaliser sur le drame humain, tant individuel que collectif, vécu par la cohorte sans cesse grandissante des immigrés illégaux. Cela ne signifie pas que le suspense et l'angoisse soient absents. Loin de là. Ils trouvent leur source, non dans un parcours événementiel fondé sur une superficialité horrifique ou haletante, mais dans la souffrance intérieure d'êtres marqués à jamais par le destin. Désirant, plus que tout, fuir, au péril de leur vie ou de leur intégrité physique, des mondes devenus insupportables, ils sont le jouet passif, malléable et lucratif de personnages aussi riches que monstrueux, dont Juan "La Fouine", machiavélique et cynique à souhait, symbolise à merveille l'abomination. Audrey Tautou, à l'opposé de sa création ludique, l'année précédente, dans "Le fabuleux destin d'Amélie Poulain", compose avec sobriété une sorte de petite souris apeurée, glissant tête baissée, telle une ombre, comme pour approcher une invisibilité qui la libérerait de la traque insultante et violente des policiers de l'immigration. Sans parler des pressions sexuelles de profiteurs salaces, tel le propriétaire de l'atelier clandestin. Mais la véritable révélation est Chiwetel Ejiofor, dont l'incarnation puissante et modeste, n'est pas sans rappeler certaines prestations mémorables de Forest Whitaker. Le pimpant des décors, souvent parsemés de couleurs vives, surprend à plusieurs reprises dans cette évocation d'un univers lugubre et mortifère, où le bonheur, vanté hypocritement par Juan, a laissé place à la seule survie au jour le jour. Il en est de même de la conclusion qui, si elle satisfait le chevalier blanc qui sommeille en chacun de nous (enfin, presque...), donne un éclairage étrangement libérateur à ce qui s'annonçait comme une descente aux enfers irrémissible.  
 
 Tout à fait passionnant. Dommage que le doublage français de Okwe soit plus que moyen.
   
Bernard Sellier