Diasparu à jamais, Série, série de Juan Carlos Medina, commentaire

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Disparu à jamais,
     Série,     2021, 
 
de : Juan Carlos  Medina, 
 
  avec : Nicolas Duvauchelle, Nailia Harzoune, Bojesse Christopher, Grégoire Colin, Finnegan Oldfield, Guillaume Gouix, Garance Marillier,
 
Musique : Johan Söderqvist


 
Ne pas lire avant d'avoir vu la série

 
Guillaume Lucchesi (Finnegan Oldfield) est éducateur spécialisé à Nice. Il a perdu son frêre aîné, Fred (Nicolas Duvauchelle), abattu en 2010 par un inconnu, ainsi que celle qu'il aimait, Sonia (Garance Marillier), noyée dans une piscine. Il s'occupe aujourd'hui des jeunes délinquants avec sa compagne Judith (Nailia Harzoune), qui a intégré l'équipe trois ans plus tôt. Mais un jour, Judith disparaît sans laisser aucun message...
 
 Un point de départ ultra classique pour cette nouvelle création inspirée des ouvrages d'Harlan Coben disponibles progressivement sur Netflix (14 titres prévus). L'action se situe cette fois sur la Côte d'Azur, entre Antibes et la frontière italienne. La précédente histoire, le captivant «Innocent», avait pour cadre Barcelone. La thématique originelle, très appréciée par les auteurs de polars, est d'ailleurs sensiblement la même. Une jeune femme au passé mystérieux se volatilise. Que lui est-il arrivé ? Que cache-t-elle ? Quels sont les terribles secrets que cette disparition va mettre au jour ? Il faudra bien sûr patienter jusqu'aux derniers plans pour obtenir les réponses. Mais, contrairement à l'aventure précédente, qui accumulait dans le premier épisode une foultitude de données, l'ouverture du récit se fait ici beaucoup plus calme et mesurée dans ses informations.

 C'est étrange comme il est parfois intuitivement possible, dans les premières cinq ou dix minutes, de ressentir si nous allons avoir affaire à une réussite ou à une déception. Ici, c'est clairement la seconde option qui se présente à l'esprit. Il n'y a pas tout d'abord de motifs franchement définis susceptibles de confirmer ce sentiment, mais seulement une impression subliminale que nous sommes devant une fabrication, sans doute soignée, Harlan Coben oblige, mais cousue avec des fils qui ne sont pas de la plus grande finesse. L'une des faiblesses majeures réside dans l'utilisation abusive et maladroite des flashback qui sont plaqués de manière grossière et démonstrative sur le récit de la période présente. Mais c'est loin d'être là le seul handicap. Nombre de scènes sont cousues de fil blanc. La petite Ines Kasmi (Garance Marillier), sujette à des visions de morts qui la traumatisent, voit de sa fenêtre un homme être abattu, et descend tranquillement l'escalier comme si rien ne s'était passé. Devenue adulte, elle récupère le portable de Sonia, enterré depuis dix ans ; celui-ci s'allume instantanément (merci Apple !), puis elle localise en deux secondes le portable de Judith. Beaucoup de séquences sont du même acabit (dans un parking de centre commercial (Cap 3000 de Saint Laurent du Var, semble-t-il), Kesler (Grégoire Colin) emmène Guillaume en voiture  et trois minutes plus tard ils se retrouvent sur la corniche de Monaco à plus d'une heure de route, tout cela pour lui dire : 'ne te mêle pas de mes affaires'...).

 Ce genre d'aberration ne serait pas grave en soi, surtout pour qui ne connaît pas le décor géographique ou s'en moque, mais elle montre à quel point le réalisme et la vraisemblance sont le cadet des soucis du réalisateur et des scénaristes. La rencontre de Daco (Guillaume Gouix) et de Guillaume avec le détective Menighetti (Didier Sauvegrain) sonne faux, tout comme celle de Guillaume avec la mère de Judith. Même Finnegan Oldfield semble étranger à l'incarnation de cet homme totalement dépassé par les évènements et brisé moralement. Il voit son frère, supposé mort depuis dix ans, sur une vidéo de surveillance et ne sursaute pas le moins du monde. Finalement, c'est le personnage de Daco, émouvant et torturé, qui est le plus crédible et le plus envoûtant. En ce qui concerne le suspense, rien de révolutionnaire non plus. Même un rebondissement majeur, tel celui qui clôt le troisième épisode, perd tout son impact, car on le sent venir cinq minutes au moins avant qu'il n'éclate. Une des causes de cette artificialité générale, qui empêche le spectateur d'entrer viscéralement dans ce drame, réside aussi dans les dialogues (avec putain dans chaque phrase pour faire plus viril dès qu'il y a engueulade), beaucoup trop écrits et privés de la spontanéité qui aurait favorisé l'émergence d'une authenticité que l'on ne ressent jamais. Certains acteurs, par bonheur dotés de rôles secondaires, ont d'ailleurs bien du mal à se montrer crédibles (le summum est atteint avec un Jo Ostertag (Bojesse Christopher) carrément grotesque sous sa capuche façon «Arrow“). Il ne fait guère de doute que les scénaristes (il est intéressant de noter  qu'aucun d'entre eux n'a participé à la création de la série précédente «Innocent»), sont en cause dans cette maladresse chronique. 

 Nous avons ici une nouvelle fois la preuve que l'amoncellement d'évènements surprenants et tragiques ne donne pas forcément naissance à une série envoûtante et dotée d'une dramaturgie intense, d'autant plus que l'intrigue en elle-même n'est pas des plus passionnantes. Heureusement que la découverte de la magnétique Nailia Harzoune compense un tout petit peu cette déception majeure.
   
Bernard Sellier