Innocent, Saison 1, série de Oriol Paulo, commentaire

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Innocent,
      (El innocente),     Saison 1,     2021, 
 
de : Oriol  Paulo, 
 
  avec : Mario Casas, Xavi Sáez, Sam Feuer, Santi Pons, Aura Garrido, Anna Alarcón,
 
Musique : Fernando Velázquez


   
Ne pas lire avant d'avoir vu la série

   
Barcelone. Matteo Vidal (Mario Casas), jeune étudiant en droit, tue accidentellement un jeune de son âge au cours d'une bagarre. Il purge quatre ans de prison. Lorsqu'il sort, il est engagé par son frère Isma (Jordi Coll) dans le cabinet qu'il a créé. Il retrouve également Olivia Costa (Aura Garrido), avec laquelle il fonde un foyer. Huit ans plus tard, alors qu'elle vient d'apprendre qu'elle est enceinte, elle est appelée à Berlin durant quelques jours pour son travail. Mais est-ce bien la réalité ?...
 
   Il est assez intéressant de visionner cette nouvelle création du maître es polars Harlan Coben juste après avoir regardé «Mon amie Adèle», car on ne peut rêver mises en route plus différentes. En lieu et place de l'ouverture lente, aux effets mesurés, aux données parcimonieuses, qui voyait la rencontre de Louise et de David, il nous est offert ici d'emblée un tombereau d'informations pour le moins volumineux. À travers une voix off plus ou moins artificielle, les dix premières minutes alignent une suite de rebondissements qui pourraient occuper sans problème une série entière. Et ce n'est qu'une mise en bouche, car le premier épisode à lui seul est déjà plus que boursouflé, aussi bien sur le plan purement événementiel que sur le plan psychologique. Ainsi, il y a de quoi demeurer bouche bée en constatant que, depuis plusieurs années, Sonia (Ana Wagener), mère du jeune homme tué, rencontre son meurtrier en lui attribuant le nom de son fils. Le même processus narratif se reproduit dans le deuxième épisode, consacré intégralement au parcours vital de Lorena Ortiz (Alexandra Jiménez), devenue une tenace lieutenante de police, au point que l'on se demande à quel moment les deux intrigues vont converger. C'est le cas enfin au troisième épisode.

    Dès lors, le drame intimiste vécu par Matteo et Olivia s'insère dans une tragédie beaucoup plus vaste, avec une peinture horrifique, et parfois d'une violence à la limite de la complaisance, du milieu des boîtes de strip tease et de pole dance. Le scénario, co-écrit avec Harlan Coben, développe une intrigue complexe, comme il sait si bien le faire, avec des personnalités qui ne sont pas ce qu'elles paraissent être, des engrenages inexorables, et des pourris de première grandeur issus de milieux où la fortune permet de s'offrir n'importe quelle déviance, aussi criminelle soit-elle. Jusqu'à l'ultime révélation finale, c'est une suite ininterrompue de rebondissements terribles, inattendus, ébouriffants, poignants, qui se déroulent devant le regard du spectateur médusé par une construction dramatique aussi implacable. Pourtant, aussi étrange que cela puisse paraître, cet amoncellement de ramifications génère une puissance émotionnelle tellement bouleversante, que ce qui pourrait sombrer dans l'artificiel prend peu à peu l'apparence d'une tragédie majuscule qui, à maintes reprises, vrille les tripes. Si l'on excepte l'interprète de Matteo, qui présente presque en permanence un visage monolithique et une expressivité limitée, tous les autres personnages se montrent investis jusqu'au plus profond de leur être, avec une mention spéciale aux malheureuses prisonnières d'Anibal Ledesma (Miki Esparbé), dont l'enfer marque durablement la mémoire du cinéphile (une exceptionnelle Aura Garrido).

   Cette nouvelle création collaborative d'Harlan Coben avec Netflix, après «Safe», «Intimidation», et «Dans les bois» est une sacrée claque dramatique. Les deux premières séries citées ne manquaient pas d'intérêt et de qualités. Mais ici, nous sommes sans conteste et sur tous les plans dans la catégorie supérieure. Espérons que la suivante, «Disparu à jamais», tournée en France, arborera la même qualité d'écriture et de réalisation.     
   
Bernard Sellier