La planète Arrakis est convoitée parce qu'elle abrite des réserves énormes d'une épice précieuse, qui est une aide indispensable pour les voyages interstellaires. Durant 80 ans, elle a été la proie des Harkonnen, qui l'ont pillée sans états d'âme, luttant sans pitié contre les Fremen, habitants de la planète. Leto Atreides (Oscar Isaac) est chargé par l'Empereur intergalactique de gérer Arrakis. En compagnie de sa conjointe Jessica (Rebecca Ferguson) et de leur fils Paul (Timothée Chalamet), ils quittent donc leur fief de Caladan et se rendent sur leur nouvelle destination, tout en se doutant qu'il y a un piège derrière cette nomination...
Le « Dune » de Frank Herbert, fortement inspiré par l'Islam, semble revêtir le statut d'œuvre culte quasiment inadaptable, tant elle est riche et profonde. Après la version personnelle et contestée de David Lynch en 1984, et la tentative avortée d'Alejandro Jodorovski en 1975, c'est le passionnant Denis Villeneuve qui se jette à l'eau ou plutôt dans le sable, car celui-ci tient une place majeure dans l'histoire, ne serait-ce que par le terrifiant ver aspirateur géant qui est son locataire. Lors de la sortie de cette première partie, j'avais décidé de tenter la lecture du premier tome de cette saga, mais j'avoue que j'ai abandonné au bout d'une vingtaine de pages. Je n'ai donc aucune idée du degré de fidélité de la création cinématographique par rapport au matériau littéraire originel.
Ce qui frappe en premier lieu dans cette première partie, c'est la construction d'une atmosphère originale, prenante, fondée beaucoup plus sur les thématiques essentielles, les castes familiales, les personnalités individuelles, les vaisseaux spatiaux (étonnants hélicoptères en forme de libellules géantes), et bien sûr les conditions de vie particulièrement rudes, que sur des affrontements permanents, comme c'est le cas dans la plupart des films d'anticipation, depuis le mythique Guerre des étoiles. Le spectateur découvre dans ce début de fresque un univers d'une richesse extrême qui, malgré les deux heures trente du film, semble très à l'étroit dans ce format somme toute fort restreint. On nous parle d'un monde situé en 10191, avec une kyrielle d'évènements antérieurs dont nous avons à peine quelques minuscules bribes, d'une fraternité aussi puissante qu'étrange, les Bene Gesserit, à laquelle Jessica a appartenu, et dont nous ne voyons ici que l'inquiétante émissaire, la révérende mère Mohiam (Charlotte Rampling), des cruels Harkonnen dirigés par le terrifiant Baron (Stellan Skarsgård), de la rébellion conduite par les habitants de la planète, les Fremen... Mais tout cela est condensé dans une évocation réduite à l'état de décor informatif. Est-ce que cette réduction factuelle est perturbante ? À vrai dire, non, car la puissance narrative dramatique emporte sur son passage ces réserves théoriques. Les personnages, qu'ils appartiennent à l'ombre ou à la lumière, recèlent une profondeur magnétique, et les innombrables thèmes sous-tendus par l'histoire sont aussi riches que diversifiés : affrontement du bien et du mal, mais aussi préservation des richesses naturelles, écologie, mysticisme, messianisme (Paul est-il l'Élu qu'attendent les Fremen ?), rivalités politico-économiques...
Une réussite flamboyante qui prouve qu'il est tout à fait possible de fusionner le spectaculaire avec l'intimisme, et de réinstaller au premier plan l'humain dans un monde futuriste où les robots auraient dû occuper le devant de la scène.