Christine Collins (Angelina Jolie) élève seule son fils Walter (Gattlin Griffith). Nous sommes en mars 1928. Lorsqu'elle rentre un soir du travail, l'enfant a disparu. Elle prévient immédiatement la police de Los Angeles, mais une disparition ne peut être considérée comme inquiétante et enregistrée qu'après un délai de 24 heures. Malheureusement les semaines passent sans nouvelles. En juillet, un jeune garçon est retrouvé dans l'Illinois. Il semble correspondre à la description de Walter. La police, fréquemment mise en accusation sur les ondes radio par le Révérend Gustav Briegleb (John Malkovich), qui ne manque jamais de mettre en lumière les agissements plus que douteux dont elle fait preuve, organise des retrouvailles entre la mère et le fils, où sont conviés journalistes et photographes. Mais lorsque l'enfant descend du train, Christine ne reconnaît pas son enfant. Le capitaine Jones (Jeffrey Donovan) tente de la persuader que les épreuves ont modifié sa perception ainsi que l'apparence de Walter. Mais la jeune femme maintient son affirmation malgré les menaces dont elle fait l'objet...
Clint Eastwood nous avait déjà gratifiés, il y a cinq ans, d'un drame particulièrement poignant, "Mystic River". L'enfance, et les souffrances qui peuvent y être associées, semble d'ailleurs un thème qui réapparaît périodiquement dans la filmographie du réalisateur. On ne peut oublier "Un monde parfait", dans lequel tendresse, légèreté et gravité se mêlaient subtilement pour donner naissance à une oeuvre inspirée. Mais, est-ce un effet de l'âge, ses créations postérieures se focalisent nettement sur le matériau dramatique des situations. Elles font quasiment disparaître la moindre trace de nonchalance, ne conservant, comme point de lumière, qu'une possible acceptation des faits, qui ressemble à de la sérénité. C'était déjà le cas pour Jimmy Markum et Sean Devine dans "Mystic River", ça l'est plus encore dans le cas de Christine Collins. La croisade entêtée qu'elle entreprend pour connaître la vérité, métamorphosera cette jeune femme d'apparence initiale frêle et fragile en une personnalité puissante, arc-boutée sur ses certitudes, capable de vaincre les pressions policières, de traverser les tourments terrifiants de l'internement, de résister aux tentatives de culpabilisation, d'affronter les yeux dans les yeux une incarnation de la perversité et du mal, pour déboucher, au final, sur un être apaisé, conscient d'avoir choisi la voie juste. La puissance émotionnelle intrinsèque de l'histoire est encore accrue par la sobriété d'une mise en scène épurée, dégraissée de toute incursion dans la facilité ou le sentimentalisme. Mais au-delà du drame personnel, intimiste, le spectateur est également plongé dans un univers social, régi par la corruption, l'hypocrisie et la violence arbitraire. Les westerns nous ont habitués à une période de conquête territoriale au cours de laquelle le droit était pour le moins ténu. En revanche, c'est avec une certaine stupéfaction que l'on constate qu'au coeur du vingtième siècle, des villes de l'importance de Los Angeles étaient gouvernées avec des méthodes qui n'ont pas grand chose à envier à celles de Staline. Le fait que l'impersonnalité règne en maîtresse dans cette histoire vraie ( exception faite de Gordon Northcott (Jason Butler Harner), il n'y a pas de véritable "méchant", mais seulement des fonctionnaires pourris par le système ), renforce encore, si besoin était, la sensation d'écrasement programmé, implacable, que subit l'individu manifestant quelques velléités de contrer l'ordre installé.
Une grande oeuvre, ascétique, poignante et implacable.