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Enquête sur un scandale d'état,
     2021, 
 
de : Thierry  de Peretti, 
 
  avec : Roschdy Zem, Pio Marmaï, Vincent Lindon, Julie Moulier, Valeria Bruni Tedeschi,
 
Musique : --

 
 
2012. Hubert Antoine (Roschdy Zem), travaillant pour le compte du commissaire Jacques Billard (Vincent Lindon), participe à la réception se plusieurs tonnes de cannabis à proximité de Marbella. Trois en plus tard, persuadé de s'être fait entuber par son chef, Hubert décide de dénoncer ses pratiques auprès d'un journaliste de Libération, Stéphane Vilner (Pio Marmaï)...
 
 La première remarque, sans rapport avec le film, concerne le journal Libération et son éthique, proclamée au cours d'une scène par sa représentante disant : «On s'assure que le contradictoire est respecté». Magnifique déclaration que l'on aurait bien aimé voir appliquée durant la crise du Covid, avec ce journal (mais il était loin d'être le seul !) qui a enterré totalement les voix compétentes qui s'élevaient avec juste raison contre les directives unilatérales du gouvernement et de ses bureaux de conseil. Fermons la parenthèse.

 Le film se veut manifestement une réplique des grandes œuvres polémiques ou dénonciatrices qui ont brillé dans le cinéma international, par exemple «Les hommes du Président», «Spotlight», ou encore «Pentagon papers». De fait, la réalisation prend beaucoup plus l'apparence d'un documentaire que celle d'un film de fiction. Tout est fait pour que le réalisme jaillisse de l'écran, mais privé de toute émotion. Les situations et les personnages sont foisonnants, complexes, souvent difficilement compréhensibles. Les parlotes sont interminables, comme si un caméraman invisible s'était infiltré au milieu des réunions, des spectacles, captant, avec plus ou moins de clarté, les propos échangés. Étant donné que le sujet est déjà fort complexe, essayant tant bien que mal de discerner les véritables agissements et buts de ce Jacques Billard énigmatique, il est d'autant plus difficile pour le spectateur d'entrer dans cet imbroglio nébuleux à souhait. Ce n'est pas tant l'absence d'action qui est handicapante. C'est surtout le fait que tous ces personnages paraissent discuter entre eux de domaines qui les prennent aux tripes, en se désintéressant complètement de ce que peut ressentir le spectateur. Roschdy Zem a beau se montrer magistral dans son personnage ambigu, il est quasiment impossible d'éprouver la moindre empathie envers son personnage, tant il demeure en permanence lointain et étranger. Et il en est de même pour tous les autres, qui incarnent des êtres passionnés, mais étrangement distants. Tare supplémentaire, le désir de coller au plus près de la réalité fait que l'on n'entend pas la moitié de ce qui est dit, soit parce que le son est difficilement audible (les scènes dans les boîtes de nuit, par exemple, ou encore les chuchotements), soit parce que les échanges concernent des domaines abscons (le SAC, l'ETA, la DEA, les services secrets...). Tout cela fait qu'il est bien difficile d'entrer dans une histoire semblable, alors que tout est fait pour que le spectateur demeure en dehors. Il est d'ailleurs assez intéressant de voir à quel point les appréciations sont subjectives, puisque la critique de «Bande à part», Anne-Claire Cieutat, écrivait en commentaire : «Ce qui frappe dans ce film passionnant ... est la manière dont tout est agencé pour favoriser l'absolue présence du spectateur». Comme quoi l'évaluation d'un film est profondément personnelle ! Pour ma part, il m'a fallu pas mal de courage pour ne pas décrocher avant la fin, même si les scènes du procès ont quelque peu pimenté cette fresque atone. Il est même exceptionnel d'être à ce point en manque d'intérêt pour un sujet a priori aussi excitant.
   
Bernard Sellier