Entretien avec un vampire, film de Neil Jordan

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Entretien avec un vampire,
      (Interview with the Vampire),     1994, 
 
de : Neil  Jordan, 
 
  avec : Tom Cruise, Brad Pitt, Kirsten Dunst, Stephen Rea, Antonio Banderas, Christian Slater, Laure Marsac, Marcel Iures, Thandie Newton, 
 
Musique : Elliot Goldenthal


   
San Francisco. Daniel Malloy (Christian Slater) reçoit les confidences d'un homme qu'il vient de rencontrer. Dès le commencement, celui-ci révèle qu'il est, depuis plus de deux siècles, un vampire. En 1791, alors qu'il s'appelait Louis de Pointe du Lac (Brad Pitt) et possédait une grande plantation au sud de La Nouvelle Orléans, il avait perdu d'un coup sa femme et son enfant. Inconsolable, il ne cherchait plus qu'à mourir. Une autre possibilité lui avait été offerte par Lestat de Lioncourt (Tom Cruise) : rejoindre le monde des vampires. C'est-à-dire connaître l'immortalité et l'éternelle jeunesse. Il avait accepté... 
 
   Neil Jordan n'a pas beaucoup tourné, mais la diversité de ses oeuvres est surprenante. Pas beaucoup de points communs entre le magnifique "The crying game", tourné deux ans plus tôt, "La fin d'une liaison" ou "Michael Collins" (si ce n'est, bien sûr, l'amour !). Peut-être est-ce une coïncidence, toujours est-il que ce film est quasiment contemporain du "Dracula" de Francis Ford Coppola. Si l'approche du mythe est fort différente, la création de Neil Jordan est loin de pâlir de la comparaison. Délaissant la majeure partie du temps, par bonheur, le grand guignol associé à cet état de mort-vivant, le réalisateur et sa scénariste, Anne Rice, qui adapte un de ses romans, axent l'histoire sur la souffrance intérieure qui, au cours des siècles, ronge Louis. Remords, culpabilité, soif d'amour autant que de sang, tel est l'ordinaire de l'être hybride, désemparé, qui parcourt le temps, prisonnier de son physique d'ange. Ce choix narratif est des plus heureux, car, si le spectateur devait se nourrir uniquement des prédations primaires et répétitives qui constituent le quotidien du malheureux, il s'ennuierait rapidement. Le point commun avec l'oeuvre de Francis Ford Coppola tient évidemment à l'amour indélébile qui lie certains vampires à des êtres fascinants. Ici, et ce n'est pas l'une des moindres surprises du film, c'est une adolescente, presque une enfant, Claudia (étonnante Kirsten Dunst qui, à douze ans, en était déjà à son septième film !), qui se montre une prédatrice inquiétante et tient une place privilégiée dans le coeur (ou ce qui en tient lieu !) de Louis. 
 
   Autour d'eux, une galerie de personnages aussi fascinants que démoniaques et extravagants. Un Tom Cruise blafard, décomposé, buvant le sang d'un rat, désintégrant son habituelle prestance fringante avec une furia maléfique ; Antonio Banderas, pommadé et méconnaissable ; ainsi que tout un monde nocturne, sinistre, évoluant dans des décors sombres, fantastiques (le théâtre des vampires), cauchemardesques, brouillasseux, qui ne laissent que peu de place à quelques incursions dans des salons mondains mortifères. Au fil de ce récit autobiographique, s'entremêlent monstruosités, sadisme, violence, désespoir, mélancolie, trahison, et l'éternelle dualité haine, amour. Peut-être est-il concevable de trouver l'ensemble un peu long, mais, même pour un piètre amateur du genre vampirique, ce qui est mon cas, cette oeuvre laisse un goût prononcé de soufre et de miel particulièrement tenace et envoûtant.
   
Bernard Sellier