Bienvenue sur le site d'un manipulateur de mots, passionné d'écriture, de cinéma, de musique, d'ésotérisme...     

Eternal sunshine of a spotless mind,
      2004, 
 
de : Michel  Gondry, 
 
  avec : Jim Carrey, Kate Winslet, Kirsten Dunst, Elijah Wood, Mark Ruffalo, Tom Wilkinson,
 
Musique : Jon Brion

 
   
Joël Barish (Jim Carrey) et Clementine Kruczynski (Kate Winslet) se sont rencontrés, aimés puis séparés. La jeune femme, instable et passablement caractérielle, a décidé de faire appel aux bons soins du docteur Howard Mierzwiak (Tom Wilkinson), pour effacer de sa mémoire la totalité des souvenirs de cette relation. Lorsque Joël s'en aperçoit, il se résout, la mort dans l'âme, à effectuer le même nettoyage. Mais, pendant le processus, une partie de lui se rebelle et tente, par divers moyens et ruses, de sauvegarder quelques fragments... 
 
   Un homme mal dans sa peau, une jeune femme désorientée, une plage, une approche maladroite : rencontre somme toute plus que banale. Mais cette ouverture en forme de comédie sentimentale, style "Un homme et une femme" ( sans chabadabada ), vire rapidement au cauchemar. L'un des protagonistes a choisi de passer un coup de gomme définitif sur le parcours sentimental qui s'est imprégné dans ses neurones. Que peut faire l'unique survivant de cette mémoire unicellulaire ? Demeurer seul conscient des heures partagées avec un être devenu volontairement amnésique ? Impossible, même si ces moments n'ont pas tous brillé par leur joie ou leur harmonie ! 
 
   À partir de ce constat et de la décision qui s'ensuit, l'histoire éclate brusquement et disperse sur l'écran des myriades de morceaux épars, de souvenirs tantôt bruts, incontrôlés, tantôt à la limite de la domestication que tente d'exercer la part réfractaire du patient. La grande portion centrale du récit se voit donc fragmentée plus ou moins anarchiquement. Les tentatives d'effacement progressif font se télescoper des scènes réelles et des constructions de l'inconscient qui tente par ruse de fuir le formatage complet du "disque dur" mental. Dire que l'on assiste alors à un cafouillage visuel intense est un doux euphémisme. La chronologie, la logique, l'objectivité, volent en éclats et s'éparpillent tous azimuts. La juxtaposition des délires séquentiels ferait quasiment passer le morcellement extrême et sophistiqué de "21 Grammes" pour une construction logiquement ordonnée, voire simpliste ou primaire. 
 
   Le principe fondamental de l'histoire, au demeurant passionnant, permet à Michel Gondry de nous offrir une diversité répétitive dans laquelle une séquence vitale peut être visualisée, pétrie, malaxée, de cent façons différentes. Il faut reconnaître que cette accumulation exubérante donne naissance à un foutoir quelque peu lassant, d'autant que pendant un laps de temps assez important, contrairement à ce qui se produisait, par exemple, dans "L'effet papillon", ne se profile pas une évolution franche dans la trame narrative. Par bonheur, lorsque cette longue nuit du travail d'effacement se clôt, l'histoire respire à nouveau et reprend une forme intellectuellement et émotionnellement appréhensible.  
 
   Une tendresse aussi bienfaisante que sincère, se dégage finalement de cette conjonction de drames, desquels l'être humain sort meurtri et ravagé psychologiquement, mais peut-être plus viscéralement vivant qu'auparavant. Jim Carrey abandonne son extraversion explosive naturelle pour une intériorisation, une sensibilité frémissantes, doublées d'une émouvante sobriété , qualités que l'on avait déjà perçues dans l'excellent "Truman Show", et cette métamorphose en un loser taciturne, timide et maladroit lui va, ma foi, très bien ! Kate Winslet est également remarquable.
   
Bernard Sellier