Goliath, film de Frédéric Tellier, commentaire

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Goliath,
         2022, 
 
de : Frédéric  Tellier, 
 
  avec : Gilles Lellouche, Emmanuelle Bercot, Pierre Niney, Marie Gillain, Laurent Stocker, Jacques Perrin,
 
Musique : Christophe Lapinta, Frédéric Tellier

  
 
L'avocat Patrick Fameau (Gilles Lellouche) perd le procès que sa cliente Lucie Tauran (Chloé Stephani) avait intenté à la société Phytosanis, suite à la mort de sa conjointe, victime d'un pesticide toxique, la tétrazine. Du côté de la multinationale, le combat se prépare pour contraindre les députés de la Commission Européenne à voter la prolongation de l'autorisation du produit chimique. C'est le brillant Mathias Rozen (Pierre Niney) qui mène l'offensive avec tous les moyens possibles...
 
 Il y a huit ans, Frédéric Tellier nous avait offert, avec «L'affaire SK1», une reconstitution passionnante de la traque du tueur en série Guy Georges. Il se plonge ici dans un pamphlet de dénonciation des pesticides, sujet particulièrement sensible, en reprenant le titre d'une série américaine sortie en 2016 sur Amazon Prime, consacrée, elle, au trafic d'armes. L'a priori est très favorable, car il n'y a nul besoin d'être un écolo extrémiste ou un complotiste forcené pour être conscient des ravages que causent les lobbys de tous ordres sur la santé des populations, grâce à leur puissance financière et au pouvoir qu'ils exercent sur les décisions des parlementaires européens. Mais nous avons affaire à un film et donc à un spectacle qui doit non seulement défendre le plus habilement possible ses convictions, mais aussi captiver le spectateur par sa qualité dramatique. C'est là que le bât blesse. Lorsque l'œuvre se termine sur un dénouement privé intelligemment de conclusion, on a la nette impression de visualiser avec clarté les cogitations qui se sont imposées aux créateurs :

 «Quels sont les éléments qui doivent figurer dans cette histoire ? D'abord le trio indispensable : les victimes (en l'occurrence la femme de Lucie, ainsi que Zef (Yannick Rénier), le compagnon de France (Emmanuelle Bercot) ; les bourreaux, incarnés à merveille par un Pierre Niney aussi impressionnant en froid salaud qu'il l'était dans le récent «Boîte noire» en inlassable chercheur de vérité ; enfin le sauveur, en la personne de l'avocat Patrick Fameau. Ceci posé, quels sont les évènements qui doivent figurer dans toute satire de ce genre : la souffrance des malades + les moments de bonheur en flashback, histoire de pointer la vilénie des multinationales en favorisant l'émotionnel du spectateur + la description des magouilles des lobbyistes + les efforts du sauveur + les dangers encourus par ceux qui veulent faire éclater la vérité (le scientifique Vanec (Jacques Perrin)».

 Cet ensemble d'ingrédients n'a rien de répréhensible en lui-même. Il est indispensable dans une telle dénonciation. Par contre, il y a différentes manières de les assembler, et c'est dans ce mixage ainsi que dans leur composition que les choses se gâtent. Certaines séquences prêtent franchement à rire tant elles sont artificielles (la réunion entre les ministres et les lobbyistes, par exemple). Les flashbacks heureux ne sont pas non plus du meilleur goût. Le personnage de l'avocat manque cruellement de consistance. Tous ces détails, associés à une construction dramatique sans réelle progression, font que l'ensemble, une fois visionné, laisse l'impression d'un ensemble de scènes juxtaposées, mais dépourvues de l'indispensable osmose et de la puissance authentique qui leur permettrait de composer in fine un tableau gorgé d'énergie revendicatrice et rageuse. Le récit se comporte un peu à la manière d'un soufflé qui se dégonflerait sans cesse et que l'on tenterait à chaque fois de faire remonter artificiellement. La mise en scène elle-même interroge souvent sur des choix douteux. Pourquoi cette inflation d'hyper gros plans injustifiés qui n'apportent aucune bonification émotionnelle aux scènes, et ces images pixellisées, assez laides, mal éclairées, qui semblent appartenir à une réalisation d'amateurs ?

 Le sujet est de la plus haute importance, mais son traitement laisse insatisfait. Un tout petit quatre étoiles, surtout grâce au casting.
   
Bernard Sellier