Il était une fois la révolution, de Sergio Leone, commentaire

  Bienvenue sur le site d'un manipulateur de mots, passionné d'écriture, de cinéma, de musique, d'ésotérisme...     

Il était une fois la révolution,
     (Giù la testa), (A fistful of dynamite),     1971, 
 
de : Sergio  Leone, 
 
  avec : James Coburn, Rod Steiger, Maria Monti, Rick Battaglia, Romolo Valli, David Warbeck, Vivienne Chandler,
 
Musique : Ennio Morricone

 
   
Juan Miranda (Rod Steiger) a pour profession de détrousser les voyageurs en compagnie de ses nombreux enfants. Il fait un jour la connaissance d'un étrange personnage circulant à moto, John H. Mallory (James Coburn). Celui-ci, révolutionnaire Irlandais dont la tête est mise à prix, se révèle un spécialiste des explosifs. Dès lors, Juan n'a plus qu'une idée : utiliser les compétences de John pour dévaliser la banque de Mesa Verde. Lorsque les deux hommes et leurs compagnons arrivent à destination, ils découvrent une ville terrorisée par les soldats du général Huerta (Franco Graziosi). Seconde surprise, la banque ne renferme que des prisonniers politiques, les fonds ayant été transférés à Mexico un mois plus tôt... 
 
   Au premier abord, on est plutôt surpris de voir que ce film est sorti trois ans après le sublime "Il était une fois dans l'Ouest". Il paraît en effet le proche parent du "Bon, la Brute, le Truand", tant par sa construction générale que par son approche cinématographique. Mais c'est peut-être une impression illusoire. Car, si la longue première partie, consacrée à la rencontre de Juan et de John renvoie incontestablement aux styles antérieurs, Sergio Leone quitte ensuite le domaine intimiste, individualiste, pour une approche sociale dramatique qu'il développera dans "Il était une fois en Amérique" et qui aurait sans nul doute trouvé son épanouissement total dans "Il était une fois en Russie", si la mort ne l'avait frappé avant la réalisation du projet. L'histoire et les tragédies qu'elle impose avait déjà été abordée dans "Il était une fois dans l'Ouest", mais en simple toile de fond. Ici, le réalisateur commence une réflexion sur la notion de révolution, établissant, dans les réminiscences de John, un parallèle entre la rébellion de L'IRA irlandaise et celle des Mexicains, sous la conduite de Pancho Villa. En quelques scènes à la sécheresse particulièrement efficace (en particulier les exécutions sommaires qui déciment tous les opposants au tyran Huerta), Leone impose une atmosphère morbide, poignante, cassant brutalement le ton bon enfant qui avait commencé à s'installer dans la première heure. L'épopée des deux compères, antagonistes, comme il se doit, se fond progressivement dans un creuset qui dépasse largement leurs mésaventures individuelles. A la sortie du film, s'impose la sensation que nous avons définitivement quitté l'univers théâtral, ludiquement artificiel, qui avait fait les beaux jours des anciens westerns. Cette position charnière n'est pas sans inconvénient. D'autant plus que, malgré leur expressivité, Rod Steiger et James Coburn ne nous font pas oublier, loin de là, le hiératisme sadique de Henry Fonda, le charme ténébreux de Clint Eastwood ou le regard intense de Charles Bronson. L'envoûtement magnétique, magique, de "Il était une fois dans l'Ouest" a disparu, alors que la mélancolie méditative qui inondera "Il était une fois en Amérique" n'a pas encore éclos. Mais il serait particulièrement injuste de méconnaître les qualités intrinsèques de cette fresque, dont le seul handicap est peut-être de s'intercaler entre deux chefs-d'oeuvres absolus... Et, encore une fois, quelle musique mémorable...
   
Bernard Sellier