Il était une fois dans l'ouest, de Sergio Leone, commentaire

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Il était une fois dans l'ouest,
       (Once upon a time in the West),      1968, 
 
de : Sergio  Leone, 
 
  avec : Claudia Cardinale, Charles Bronson, Henry Fonda, Paolo Stoppa, Woody Strode, Jason Robarts, Jack Elam, Gabriele Ferzetti,
 
Musique : Ennio Morricone

  
   
Trois événements, sans lien apparent, se déroulent quasi simultanément. Un homme inconnu, "Harmonica" (Charles Bronson), débarque dans une gare isolée. Il est attendu par trois hommes, envoyés à sa rencontre par Frank (Henry Fonda), pour le tuer. Ils échouent. Jill (Claudia Cardinale) arrive à Flagstone pour épouser Brett McBain (Frank Wolff), veuf avec trois enfants. Mais tous quatre viennent d'être assassinés par Frank. Un bandit de grand chemin, Cheyenne (Jason Robarts) échappe à ses gardiens pendant son transfert en prison. Il cherche à comprendre pourquoi des traces ont été laissées sur le lieu du meurtre des McBain, afin de lui faire endosser le forfait... 
 
  Si l'on excepte "Il était une fois la révolution", sorti trois ans plus tard, voici donc le testament westernien de Sergio Leone, qui, étrangement, demeurera quasiment silencieux jusqu'au génial "Il était une fois en Amérique", en 1984. Mais quel testament ! 
 
  "Le bon, la brute, le truand" amorçait déjà un changement profond dans la gestion du drame, jusqu'alors dominé par le jeu et la ludicité dans les deux premiers opus : "Pour une poignée de dollars" ainsi que sa suite, "Et pour quelques dollars de plus". Dans l'oeuvre présente, l'humour et les situations burlesques ont quasiment disparu. Nous sommes en face d'une tragédie antique, lovée dans la fin du dix-neuvième siècle, et dans un Monde Nouveau. Le dépouillement y côtoie le lyrique. Quelques éclairs de tendresse, quelques bouffées fugitives de mélancolie traversent un univers de brutes, dans lequel le pouvoir et l'argent deviennent les maîtres. Mais, bouleversement primordial par rapport au film précédent, qui était, à 99,9% une histoire d'hommes, apparaît ici un pivot central féminin, sous les traits merveilleux de Claudia Cardinale. Evoluant d'un intérêt bassement matériel à l'intégration dans un rêve qui lui était a priori étranger, elle apparaît comme l'archétype de la gestatrice d'une nation dans l'enfance. 
 
  La relative futilité du sujet précédent (la quête d'une caisse d'or) laisse ici place à l'avancement douloureux de la "civilisation" et au travail de fondement d'une société cohérente. Le personnage de Morton (Gabriele Ferzetti), dévoré par une tuberculose osseuse, et obsédé par le désir de voir l'océan Pacifique, quel que soit le prix à payer, est pleinement représentatif de cette avancée irrépressible, qui balayait sur son passage aussi bien les Indiens que les compatriotes gênants, tels le visionnaire McBain. 
 
  Nous retrouvons une composition du trio masculin parallèle à celle du "Le bon, la brute, le truand" : un élément positif ("Harmonica") ; un négatif ("Frank"), pendant de "Sentenza" (à noter la remarquable incarnation en contre-emploi de Henry Fonda, étranger jusqu'alors, à l'image de Gary Cooper, aux rôles de méchants) ; et un élément ambivalent, "Cheyenne". 
 
  Impact dramatique et importance majeure des silences, des regards, des gestes, des bruits (gouttes d'eau, grincement d'une éolienne, crépitement du télégraphe, vol d'une mouche...), gros plans alternant avec l'ampleur majestueuse des paysages en cinémascope, dilatation du temps... tout l'art créatif de Sergio Leone est présent dans cette composition magistrale, et imprime à l'ensemble une grandeur, une noblesse incomparables. 
 
  Et comment ne pas mentionner la musique d'Ennio Morricone ? Les oeuvres révélant semblable osmose entre images et accompagnement orchestral, une telle harmonie, complémentarité miraculeuses, se comptent sur les doigts d'une main. 
 
  Grandiose, inoubliable...
   
Bernard Sellier