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L'illusionniste,
     (The illusionist),      2006, 
 
de : Neil  Burger, 
 
  avec : Edward Norton, Rufus Sewell, Paul Giamatti, Jessica Biel, Eddie Marsan, Eleanor Tomlinson, Aaron Johnson,
 
Musique : Philip Glass

 
   
Eisenheim (Edward Norton) est un illusionniste particulièrement brillant. Il séduit la foule des Viennois qui, en cette fin de dix-neuvième siècle, viennent admirer ses tours de magie. Depuis son enfance, il est amoureux de la Duchesse Sophie von Teschen (Jessica Biel). Par malheur, présentement, elle est promise à l'héritier du trône, le Prince Leopold (Rufus Sewell). Celui-ci a la réputation d'être violent avec les femmes. Et, comme si cela ne suffisait pas, pressé d'accéder au trône, il envisage de destituer son père... 
 
   La magie est un thème en or pour le cinéma. Les trucages numériques modernes permettent à l'imagination de voir réalisées toutes ses créations. Lorsque se greffe une belle histoire d'amour, et que le héros est campé par un Edward Norton, toujours aussi charismatique et envoûtant, le résultat promet d'être passionnant. Il l'est, effectivement, même si certains bémols tempèrent quelque peu l'enthousiasme.  
 
   Au nombre des (bonnes) qualités, une atmosphère sombre, mystérieuse, parfois presque menaçante, qui installe l'histoire dans un écrin véritablement magique. C'est la moindre des choses, pourra-t-on rétorquer, pour une oeuvre qui fonde son scénario sur la personnalité d'un illusionniste de génie. Le réalisateur scénariste a su adapter les prétendus numéros de son héros, de manière à élever le drame jusqu'à un niveau où spiritualité et symbolisme (la trouvaille de l'épée Excalibur), rendent visite à notre monde matériel aux lois rigides et aux limitations rassurantes. Même si l'histoire est très simple, la tension ne fait jamais défaut, et le dénouement se révèle aussi habile que surprenant.  
 
   Au nombre des qualités plus discutables, un grand classicisme, tout d'abord. Sans être un défaut à proprement parler, il bride tout de même de façon dommageable la liberté créatrice qui aurait pu donner à l'oeuvre une aura magnétique plus stimulante. Le mystère réside dans les effets visuels qui nous sont présentés, mais pas vraiment dans la manière dont la narration s'opère. Les personnages eux-mêmes sont en majorité monolithiques. Peu ou pas d'évolution au cours du récit. Le "gentil" demeure gentil, le méchant le restera jusqu'au bout. En fin de compte, c'est l'Inspecteur Uhl (Paul Giamatti), qui se révèle le plus riche. Ecartelé entre admiration sans bornes devant le génie d'Eisenheim et soumission au Prince qui aura le pouvoir de satisfaire son ambition, il est quasiment le seul à connaître une torture intérieure qui le rend profondément humain. Autre point regrettable : un certain manque d'inventivité dans les dialogues. On se surprend, parfois, à vouloir placer dans la bouche des protagonistes des développements plus riches que les répliques simples insérées par le scénariste. La trame elle-même paraît un peu légère, obligeant l'histoire à compenser, par des numéros heureusement fascinants et intelligemment progressifs, le manque de richesse événementielle de l'ensemble. Mais ce ne sont là que regrets superficiels, justifiés par le fait que l'on aurait aimé que ce conte merveilleux ose encore plus, recule les limites imposées par la construction traditionnelle adoptée. Christopher Nolan y parviendra dans "Le Prestige". Mais, telle quelle, l'histoire est déjà plus que passionnante. 
 
   N.B. Un autre bémol, tout aussi subjectif, concerne la musique de Philip Glass "Koyaanisqatsi"), qui, malgré des thèmes "prenants", n'est décidément pas un compositeur agréable à mes oreilles. Sa musique "épaisse", répétitive, stressante, se révèle particulièrement indigeste nerveusement...
   
Bernard Sellier