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The prestige,
        2006, 
 
de : Christopher  Nolan, 
 
  avec : Hugh Jackman, Christian Bale, Michael Caine, Scarlett Johansson, Andy Serkis, David Bowie, Rebecca Hall,
 
Musique : David Julyan


   
Alfred Borden (Christian Bale), un célèbre magicien, est arrêté et condamné à la pendaison pour avoir provoqué la mort de l'un de ses confrères, Robert Angier (Hugh Jackman). Retour quelques années plus tôt, en 1897. Les deux hommes sont partenaires, jusqu'au jour où l'épouse du second, Julia (Piper Perabo), se noie au cours d'un spectacle. C'est Alfred qui avait noué les liens dont elle n'avait pas réussi à se défaire. Persuadé qu'il a agi intentionnellement, Angier devient un adversaire acharné de son ex-coéquipier, et tente de le surpasser dans l'excellence de la magie, tout en le punissant de son supposé forfait... 
 
   Est-ce un hasard du calendrier, ou une vague inspiratrice issue du cosmique, toujours est-il que ce film est sorti quasiment en même temps que "L'Illusionniste". La similitude s'arrête cependant au monde de la magie, fondement des deux drames, car l'oeuvre de Christopher Nolan se révèle infiniment plus énigmatique et riche que celui où brillait Edward Norton. La trame classique adoptée par Neil Burger est ici dynamitée par un va et vient permanent dans le temps, dans les méandres des cerveaux illuminés par l'orgueil, la haine et la jalousie, au point, d'ailleurs, que la clarté se trouve parfois réduite. L'attention doit être constante pour suivre les deux ensorceleurs dans le cheminement de leurs évolutions psychologiques et de leur quête du spectacle absolu.  
 
   Amateur de constructions tordues (on se souvient de son "Memento" narré à l'envers), Christopher Nolan expérimente ici un échafaudage plus classique, mais presque plus embrouillé encore. A coups de retours dans le passé, de lectures de journaux personnels manipulateurs, de façonnages d'illusions, tant dans les spectacles publics que dans les relations humaines, le spectateur est bousculé, mystifié, avec d'autant plus d'efficacité que l'histoire se déroule dans un cadre naturel et une vraisemblance confondants. Le réalisateur joue moins sur les effets spectaculaires et un crescendo attendu vers une apothéose volcanique, que sur l'affrontement psychologique de ces deux ennemis. Leurs actions et intentions, loin de suivre les autoroutes balisées du Bien et du Mal, empruntent avec délices et inventivité de subtils chemins de traverse, qui rendent ce voyage dans l'imposture aussi magique que fascinant. Même si l'affrontement des deux têtes d'affiche tient le haut du pavé, les seconds rôles qui les entourent (conjoints, associés) possèdent tous une réelle présence tant psychologique que dramatique, et contribuent à épaissir un tissu déjà copieusement rempli. La réussite de l'oeuvre réside au premier chef dans sa capacité d'extraire l'illusion de la scène, pour l'introduire dans le quotidien des protagonistes. A ce titre, le personnage d'Olivia Wenscombe (Scarlett Johansson), ballottée entre Borden et Angier, est symbolique de cette tromperie universelle. Mais l'histoire visite également d'autres domaines passionnants, notamment dans la créativité de ce génie méconnu, et surtout décrié, qu'était Nikola Tesla.  
 
   Parfois brumeux, mais envoûtant de bout en bout.
   
Bernard Sellier