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L'impasse,
     (Carlito's way),    1993, 
 
de : Brian  De Palma, 
 
  avec : Al Pacino, Sean Penn, John Leguizamo, Penelope Ann Miller, Ingrid Rogers, Luis Guzman, James Rebhorn,
 
Musique : Patrick Doyle


   
Carlito Brigante (Al Pacino) a été condamné à trente ans de prison pour meurtre. Mais grâce à divers vices de procédure, son avocat David Kleinfeld (Sean Penn) réussit à le faire libérer au bout de cinq ans. Carlito est bien décidé à réunir 75 000 dollars honnêtement et à partir au Bahamas acheter la moitié d'une concession de location de voitures. Mais, à peine dehors, son cousin est assassiné. Il devient le gérant d'une boîte de nuit appartenant à Saso (Jorge Porcel), retrouve son ancienne compagne, Gail (Penelope Ann Miller. Mais les nouveaux caïds du milieu, en particulier Benny Blanco (John Leguizamo) rodent et Kleinfeld, dont Carlito se croit débiteur, s'enfonce dans des embrouilles mortelles... 
 
   Si Martin Scorcese ou Francis Ford Coppola semblent avoir été conçus pour réaliser des fresques sur les mafias, Al Pacino paraît l'avoir été pour les interpréter. Concentré, donnant l'apparence d'un monolithe impassible alors que son esprit se perd dans un rêve de liberté ou de paix fantasmagorique, il est en vérité impérial dans cette incarnation d'un truand aspirant à la rédemption. Sous la caméra brillante de Brian de Palma, il tente désespérément d'échapper à la vie dans laquelle il s'est fourvoyée jusqu'alors. Mais comment un poisson pourrait-il voler s'il demeure enfermé dans son océan ? Prisonnier de ses amitiés, de ses codes de prétendu honneur, de ses soi-disant "dettes" morales, en un mot esclave de sa faiblesse, il court droit à la ruine de ses espérances. Il est semblable au hanneton qui devient de plus en plus prisonnier de la toile d'araignée au fur et à mesure qu'il s'agite pour s'en extraire. Et l'ensemble de cette tragédie annoncée n'est somme toute qu'un enchaînement de causes suivies d'effets, qui, à leur tour, deviennent causes, jusqu'à l'irruption finale dans le néant.  
 
   Même si l'on compatit à son drame intérieur, à sa quête éperdue d'une autre vie, à l'amour sincère qu'il porte à la resplendissante Gail, cet apitoiement est tout de même fortement tempéré par la résurgence navrante de son côté obscur. Si l'enchaînement des événements ressemble fort à une prédestination dont il serait la victime, il ne faut tout de même pas se leurrer. Il est le seul créateur de l'agencement inéluctable des situations dans lesquelles il s'empêtre, et c'est dans cette infirmité psychologique menant droit à la mort donnée ou reçue, dans cette faiblesse de tempérament chronique qui ressemble fort à une drogue dont il ne peut se passer, qu'il est le plus pitoyable.  
 
   Excellente prestation d'un Sean Penn méconnaissable, bouclé, veule et camé jusqu'aux orteils. J'avoue tout de même en avoir quelque peu marre de ces truands dont la vie nous est présentée, que ce soit dans la saga du "Parrain", dans "Les Affranchis" ou autres "Casino", comme une succession de malheurs déplorables et dignes de pitié ! Oui, c'est sûr, il est infiniment triste de choisir l'ombre plutôt que la lumière. Mais, après tout, nous privilégions tous cette option un jour ou l'autre dans notre succession d'existences. Cependant, question de choix intérieur, je me sens tout de même beaucoup plus concerné par les souffrances des enfants du Tiers-Monde, ou par le sort des femmes réduites à l'état d'esclaves, que par les meurtres sanguinolents de quelques pontes grassouillets des mafias, quelles qu'elles soient...
   
Bernard Sellier