Le jeu de la dame, saison 1, série de Scott Frank, commentaire

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Le jeu de la dame,
      (The queen's gambit),    Saison 1,   2020 
 
de : Scott  Frank..., 
 
avec : Anya Taylor-Joy, Chloe Pirrie, Bill Camp, Marielle Heller, Moses Ingram, Russell Dennis Lewis,
 
Musique : Carlos Rafael Rivera

   
   
Ne pas lire avant d'avoir vu la série 
 
    Elisabeth Harmon (Isla Johnston) perd sa mère dans un accident de voiture alors qu'elle n'a que 9 ans. Elle est placée dans une institution pour orphelines car son père a disparu. Très vite elle se passionne pour les échecs et surpasse rapidement son professeur, Shaibel (Bill Camp), le gardien de la pension. Elle est repérée par le directeur du club d'échecs du lycée voisin, monsieur Ganz (Jonjo O'Neill) et se voit adoptée par Alma Wheatley (Merielle Heller) et son mari Allston (Patrick Kennedy)...

    Un sujet pour le moins original dans cette nouvelle série Netflix, et qui n'est pas souvent traité au cinéma, car le jeu d'échecs n'est pas le plus télégénique qui soit. 'Face à face' (1993) avec Christopher Lambert jouait la carte du polar, tandis que 'La diagonale du fou' (1984) misait sur l'affrontement psychologique. Contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, le parcours de Beth Harmon n'est pas le reflet d'une histoire vraie, mais l'adaptation d'un roman éponyme paru en 1983 et qui devait, dans un premier temps, être porté à l'écran par Heath Ledger.

    Dans un premier temps, le traitement de ce parcours atypique surprend. La vie de la jeune fille n'est pas rose bonbon. Entre le décès de sa mère naturelle, l'abandon de son père, un placement dans une institution rigide, et une dépendance aux médicaments, son existence est cahotique. S'il n'y avait pas la passion soudaine née pour les échecs, elle serait même déprimante au plus haut point. Pourtant, le récit lisse toutes ces aspérités au point de donner une impression d'uniformité, renforcée encore par l'apathie permanente dont Beth ne se départit que rarement. Il faut attendre la fin du troisième épisode pour qu'enfin un obstacle marquant survienne dans ce parcours qui, jusque là, n'est fait que de victoires récurrentes. Anya Taylor-Joy s'engouffre avec aisance dans ce masque d'inexpressivité qui demeure longtemps la marque de fabrique de la championne. Mais à la fin du quatrième épisode, le temps commence à paraître long, tant les noeuds dramatiques majeurs font défaut, tandis que la répétitivité s'installe durablement. Nous sommes dans un anti 'This is us'. L'émotion y débordait de toutes parts. Ici, elle est tellement contenue qu'elle devient imperceptible. Il n'y a que dans l'ultime épisode que la carapace se fissure et que nous est offerte une fin superbement humaine.

    La série nous propose un portrait aussi brut que réaliste d'une jeune femme autonome, rebelle, dont la force apparente cache une fragilité immense, mais, contrairement aux deux films évoqués ci-dessus, il semble indispensable d'avoir un minimum d'intérêt et de connaissance dans le domaine des échecs si l'on veut entrer pleinement dans cette fresque. D'autant plus que la personnalité de Beth n'est pas de celles qui génèrent une empathie immédiate. Il est fort étonnant que ce soit là une des grandes réussites de Netflix. A moins que la bande son, riche de tubes d'époque, et parfois envahissante dans sa fonction de remplissage, ne soit une des raisons de l'engouement constaté.
   
Bernard Sellier