Mademoiselle, film de Philippe Lioret, commentaire

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Mademoiselle,
      2001, 
 
de : Philippe  Lioret, 
 
  avec : Sandrine Bonnaire, Jacques Gamblin, Isabelle Candelier, Zinedine Soualem,
 
Musique : Philippe Sarde

  
   
Claire Canselier (Sandrine Bonnaire), visiteuse médicale pour le laboratoire MB, participe à un congrès interne. Elle est nommée au poste de responsable pour le Sud-Ouest, tandis que son collègue local, Gilbert, part à la retraite avec pour cadeau, un phare miniature. Au cours de la soirée, elle fait la connaissance de Pierre Cassini (Jacques Gamblin), un étrange serveur déjanté, qui se révèle appartenir à un trio d'improvisateurs, retenus par le laboratoire pour assurer une animation originale. Le lendemain matin, Claire doit prendre le train pour Lyon, mais, à la suite d'un fâcheux concours de circonstances, elle rate le car qui doit la conduire à la gare. Elle accepte l'invitation d'Alice Cohen (Isabelle Candelier), membre féminin du trio, qui descend en voiture à Lyon avec son compagnon Karim Coutard (Zinedine Soualem) et... Pierre... 
 
   Philippe Lioret aime décidément les phares ! Avant d'y consacrer un film entier, ("L'Equipier") où les tempêtes des coeurs le disputent à celles de l'océan, il insérait déjà dans cette histoire une maquette, qui, malgré sa taille réduite, joue un rôle non négligeable dans les choix inconscients de l'héroïne. Un homme, une femme, une rencontre fortuite... Rien de nouveau, côté fondement. Mais, comme l'explique fort judicieusement Jean-Marie Roth dans son ouvrage "L'écriture des scénarios", le nombre de thèmes basiques est extrêmement restreint (sexe, amour, vengeance, argent, jalousie...). Tout l'art du scénariste et du réalisateur réside dans sa capacité ou son génie à transcender la banalité du sujet, pour offrir une composition dont le pouvoir magique semble n'avoir jamais vu le jour.  
 
   Pas de grande passion volcanique et mortifère façon "Le Patient anglais". Pas d'esbroufe cinématographique façon "Un homme et une femme". Tous les sentiments sont ici, comme d'ailleurs dans "L'Equipier", contenus, feutrés, enfouis sous le manteau protecteur des convenances, de la respectabilité. Ni franchement comédie, ni franchement drame, le film parvient, malgré la tiédeur générale qu'il assume crânement, à se construire une personnalité dont le charme agit avec une efficacité d'autant plus grande qu'il se montre discret. Parsemé de séquences aussi émouvantes que générant une sympathie immédiate, (en particulier celle du mariage dans laquelle l'envoûtement d'une délicieuse improvisation opère pleinement), l'oeuvre observe avec délicatesse et pudeur les émois mesurés des deux personnages, dont l'osmose éphémère se réalise quasiment à l'insu du spectateur. Jacques Gamblin, sorte de Pierrot lunaire désenchanté, se montre souverain dans la demi-teinte, et fait plus d'une fois penser, même physiquement, à un Jacques Dutronc, pour lequel le rôle semblerait écrit. Mais la majeure partie de l'enchantement naît évidemment de Sandrine Bonnaire, radieuse, beaucoup moins effacée, (heureusement pour notre égoïste plaisir personnel !), que dans "L'Equipier", qui se montre, de la première à la dernière minute, inoubliable de lumière, de finesse et de sensibilité. Elle incarne à la perfection le symbolisme du prénom de son personnage : Claire.  
 
   A la fois légère et grave, discrète et ensorcelante, cette oeuvre laisse, après vision, une saveur vivace, où se mêlent subtilement plaisir, bonheur, grâce, pudeur, mélancolie et douce amertume. Un cocktail savamment dosé...
   
Bernard Sellier