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Les misérables,
    2019, 
 
de : Ladj  Ly, 
 
  avec : Damien Bonnard, Alexis Manenti, Djebril Zonga, Issa Perica, Steve Tientcheu, Almamy Kanouté,
 
Musique : Pink Noise


 
Le brigadier Stéphane Ruiz (Damien Bonnard) s'est fait muter à Monfermeil afiin d'être proche de son fils. Il est intégré à l'équipe de Chris (Alexis Manenti) et Gwada (Djebril Zonga). Il découvre dès le premier jour la cité des Bosquets, dans laquelle la plus petite étincelle risque de mettre le feu aux poudres...  
 
  Que le monde a changé depuis les "Misérables" de Victor Hugo ! C'est la première remarque que l'on est tenté de faire en sortant de cette épreuve cinématographique profondément perturbante. Mais, si l'on s'extrait de l'enfer dans lequel se clôt (si l'on peut dire, puisqu'il n'y a pas de dénouement) le film, et que l'on retrouve un peu de réflexion, on se demande si les changements sont aussi intenses que l'on serait tenté de le croire ? Y a-t-il vraiment beaucoup de différence entre les révoltés sur les barricades, aux côtés de Marius et de Gavroche, et les amis d'Issa (Issa Perica), qui s'allient pour faire payer la bavure commise par les policiers ? Ladj Ly a choisi une forme narrative proche d'un documentaire. Ces vingt-quatre heures infernales commencent de façon quasi ludique, même si le jeu n'est qu'un vernis qui menace de se craqueler à la moindre anicroche. Parachuté de Cherbourg dans cette cité de banlieue grondante, Stéphane apprend en quelques heures les règles qui régissent les relations hyper-tendues entre policiers et responsables de la cité, Le Maire (Steve Tientcheu) et Sala (Almamy Kanouté). Par instant, il serait même possible de se croire dans les "Ripoux". On peut se demander pour quelle raison le scénariste-réalisateur a choisi comme tête de file du trio un personnage aussi caricatural que Chris, abruti de première grandeur. Cet extrémisme, heureusement le seul dans l'œuvre, permet la construction de l'engrenage qui va conduire à l'embrasement, mais affaiblit l'équilibre et la portée du récit. Car, exception faite de Chris, il n'y a pas vraiment de mauvaises personnes ou de saints dans cette cité. Les seuls qui figurent la haine sont les propriétaires du cirque venu s'installer, donc des étrangers à la ville. Cette absence de manichéisme ne manque pas de surprendre, car les fictions nous ont habitués à catégoriser les personnages. Dans le cas présent, Ladj Ly pose un regard analytique sur les évènements, sans évoquer une seconde le problème des responsabilités. L'histoire qui nous est racontée est un choc brut, dépourvu de tout commentaire. La seule conclusion, fort pessimiste, que l'on peut en tirer, est que l'engrenage ne possède pas de marche arrière connue ou utilisable. Lorsque l'incendie a commencé, il détruit tout sur son passage, même les anciens frères, tel Le Maire. Le constat est terrifiant et le film l'assène d'une façon aussi radicale qu'enflammée. Et dire qu'il se trouve des politiciens pour affirmer sans honte que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles...
   
Bernard Sellier