Mon crime, film de François Ozon, commentaire

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Mon crime,
     2023, 
 
de : François  Ozon, 
 
  avec : Nadia Tereszkiewicz, Isabelle Huppert, Fabrice Luchini, Dany Boon, André Dussollier, Rebecca Marder, Michel Fau,
 
Musique : Philippe Rombi


 
1935 à Paris. Madeleine Verdier (Nadia Tereszkiewicz), jeune actrice débutante, est accusée du meurtre d'un célèbre producteur, Montferrant (Jean-Christophe Bouvet). Contre toute attente, elle se reconnaît coupable. Le procès a lieu. La jeune femme est défendue par sa colocataire, Pauline Mauléon (Rebecca Marder)... 
 
 L'origine théâtrale de l'œuvre ne fait aucun doute dès le début du film. De même que le style décontracté, voire vaudevillesque, qui transpire aussi bien de l'accumulation de péripéties improbables, que du jeu des acteurs, toujours à mi-chemin entre le théâtre et le cinéma. Certes, nous ne sommes pas dans l'extrême cabotinage insupportable de «Ma Loute», mais les premières prestations un tantinet ubuesques de l'inspecteur Brun (Régis Laspalès), du greffier Léon Trapu (Olivier Broche), ou encore du juge Gustave Rabusset (Fabrice Luchini), prouvent au spectateur qu'il va assister à une farce plus ou moins jouissive. Dans ce registre, la réussite est au rendez-vous, et, malgré une histoire qui ne tient debout que grâce à des ficelles de bonne épaisseur, l'abattage de tous les comédiens, avec dans la dernière partie une  Odette Chaumette (Isabelle Huppert) brillantissime, permet de suivre avec délectation cette abracadabrante manipulation. Sur le plan du divertissement, le plaisir est au rendez-vous, même si, dans un registre un peu parallèle, nous n'atteignons jamais la jubilation ressentie en visionnant le «Bon voyage» de Jean-Paul Rappeneau.

 Ce qui interpelle en revanche, c'est le fond de l'histoire. Elle est construite sur les débuts de l'émancipation de la femme, à une époque où il ne saurait encore être question d'autoriser le vote féminin. Madeleine, qui aurait pu être victime de la perversité de Montferrand, le Weinstein de l'époque, devient une icône pour avoir supprimé son agresseur. Soit, c'est tout à fait compréhensible. Sur le papier, on pourrait donc croire que le récit a pour mission d'élever ce début de rébellion au niveau d'un sacerdoce purificateur Or c'est loin d'être le cas, et ce qui laisse perplexe, c'est que la jeune femme, tout comme Odette Chaumette, et, à un degré moindre, Pauline, ne symbolisent en rien la pureté féminine qu'elles sont censées défendre contre un machisme intolérable et criminel. Elles ne reculent d'ailleurs pas devant des magouilles et des compromissions en tous genres, afin de parvenir aux buts qu'elles se sont fixés. Quant à le gent masculine, elle est passée à la moulinette d'une satire impitoyable. Entre la stupidité crasse de Brun, l'orgueil débile de Rabusset, la pâleur décadente et opportuniste d'André Bonnard (Édouard Sulpice), ou encore la vilénie de Montferrand, il n'y a pas grand chose à sauver, sauf peut-être le hableur sympathique incarné par Dany Boon, voire le naïf père Bonnard (André Dussollier). Il semble donc évident que le but premier de François Ozon a été de nous offrir un divertissement léger, joyeux, souvent drôle, servi par des actrices et acteurs qui manifestement se régalent. Et c'est fort bien réussi, même si le double dénouement donne l'impression que le soufflé a une fâcheuse tendance à retomber.
   
Bernard Sellier