Brian Lackey (Brady Corbet), âgé d'une vingtaine d'années, est de plus en plus persuadé qu'il a été enlevé, lorsqu'il avait environ 8 ans, par des extra-terrestres. Cela expliquerait les 5 heures qui ont disparu de sa vie. Ayant écouté, à la télévision, le témoignage d'une jeune fille, Avalyn Friesen (Mary Lynn Rajskub), qui prétend avoir été kidnappée par les petits hommes verts pour expérimentation, il prend contact avec elle et part à la recherche d'un personnage qu'il voit dans ses rêves. Il s'agit de Neil McCormick (Joseph Gordon-Levitt). Celui-ci vient de quitter son domicile pour New York, lorsque Brian se présente chez lui. Neil, drogué et homosexuel, est parti rejoindre une amie d'enfance, Wendy (Michelle Trachtenberg)...
Le sujet de la pédophilie, éminemment délicat à traiter cinématographiquement, a cependant permis l'éclosion de certains films remarquables, notamment "Sleepers" et, surtout, "Mystic River". Chaque réalisateur aborde le sujet sous un angle très personnel, et Gregg Araki, chef de file du cinéma gay indépendant outre-Atlantique, ne déroge pas à la règle. A partir de l'expérience quasiment similaire des deux enfants, il explore, de manière intensément vivante, émotionnelle, et originale, la gestion du traumatisme par des personnalités opposées.
Neil, incarné magistralement par Joseph Gordon-Levitt, arborant parfois une rigidité faciale qui évoque Bruce Lee, façonne de façon aussi perceptible que convaincante une personnalité de plus en plus marmoréenne, en descente vers un enfer toujours plus sinistre. A l'opposé, Brian, avec sa bouille de blondinet binoclard, s'est enfoui dans un univers fantastique illusoire, à la fois excitant et valorisant pour l'adolescent effacé qu'il est devenu. Le réalisateur a su insérer ses deux victimes dans un cadre aussi réaliste qu'expressif, créant des personnages tantôt attachants (Eric (Jeffrey Licon), Wendy), tantôt paumés (Ellen McCormick (Elisabeth Shue), qui passe d'amant en amant sans se préoccuper de son fils), tantôt prédateurs (le moniteur de sports (Bill Sage), tantôt pitoyables (Zeke (Billy Drago), mais toujours générateurs d'un impact puissant sur la dramaturgie de l'histoire. Sans atteindre le voyeurisme parfois limite de Larry Clark dans "Ken Park", Gregg Araki ne recule pas devant certaines scènes éprouvantes et brutales. Mais sa réussite est d'avoir su créer, pour raconter ce drame sordide, un écrin unique, marqué par une personnalité originale, où se bousculent sans jamais se contrarier, réalisme cru et onirisme, tendresse et sauvagerie, verdeur et subtilité. Sans aucun manichéisme, avec une absence de jugement qui paraît tenir beaucoup plus de l'amour compatissant que de l'adhésion, il explore avec humanité, mais sans concessions, les élans du coeur et les pulsions du sexe, ainsi que leurs croisements occasionnels. Le personnage de "l'initiateur", si l'on peut dire, est à ce titre symbolique. Il représente, pour Neil, à la fois le démon qui propulse sa victime sur le chemin de l'enfer, et une sorte d'ange, puisqu'il compose, simultanément, une référence d'amour véritable...