Ne le dis à personne, film de Guillaume Canet, commentaire

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Ne le dis à personne,
      2006, 
 
de : Guillaume  Canet, 
 
  avec : François Cluzet, Marie-Josée Croze, Nathalie Baye, Kristin Scott Thomas, André Dussollier, Jean Rochefort, François Berléand,
 
Musique : Mathieu Chedid

   
   
Alexandre Arnaud 'Alex' Beck (François Cluzet) est pédiatre. Lors d'un séjour au bord du lac Charmaine, sa femme, Margot (Marie-Josée Croze) disparaît. Son corps est retrouvé, mutilé, quelques jours plus tard et identifié par le Capitaine de Gendarmerie Jacques Laurentin (André Dussollier), père de la morte. Le présumé coupable, un tueur en série, est arrêté peu après. Huit ans plus tard, Alex n'a pas vraiment repris goût à la vie. Il entretient une vague liaison avec Hélène Perkins (Kristin Scott Thomas), mais le coeur n'y est pas. Un soir, il reçoit sur son portable un mail anonyme. Après avoir cliqué sur le lien, il découvre avec stupeur une video dans laquelle apparaît furtivement une femme qui semble être Margot... 
 
   Les thrillers à la française réussis ne sont pas légion. C'est donc avec une gourmandise certaine et un espoir légitime que l'on aborde cette tragédie ténébreuse. Au final, il faut reconnaître que l'enthousiasme est limité. Au nombre des éléments positifs, s'impose en premier lieu le choix de François Cluzet (qu'il fut pourtant difficile de faire admettre, n'étant pas classé dans la catégorie des acteurs "pompes à fric"). Homme brisé, à la fois sensible, faible, et pourtant déterminé, il donne à son personnage une intensité et une humanité indéniables. Le reste de la distribution est à l'avenant. La qualité des comédiens, associée à une caractérisation souvent détaillée et fine des tempéraments, offre au drame personnel d'Alex un écrin riche et multiforme.  
 
   Très grossièrement, il est possible de classer la narration des thrillers de ce type en deux catégories. La première construit le suspense en sinusoïde, avançant avec une hypothèse "x" dans une première direction, se cognant contre un mur, repartant dans une deuxième avec une hypothèse "y", etc... Jusqu'à l'apothéose finale. La seconde, qu'ont manifestement choisie Harlan Coben, l'auteur du roman, et Guillaume Canet, consiste à empiler les mystères, à entasser les événements incompréhensibles, sans quasiment fournir aucune explication en cours de route. Un peu à la manière d'un alpiniste qui gravirait la montagne un bandeau sur les yeux, pour découvrir, à l'ultime seconde, le panorama espéré. Le dénouement, dans ce cas, se doit d'éclaircir avec virtuosité et sublimité l'ensemble des tunnels énigmatiques qui ont émaillé le parcours. Un des exemples les plus réussis dans le genre est sans conteste "Sixième Sens" de M. Night Shyamalan. La difficulté de cette voie est d'offrir un bouquet final dont le grandiose soit à la mesure des innombrables angoisses que les péripéties ont accumulées pendant cent vingt minutes. Si le bouquet final est seulement moyen, l'ensemble du soufflé retombe. Sans aller jusqu'à dire que c'est le cas ici, disons qu'une certaine déception pointe le bout de son vilain nez. Sans doute l'attente avait-elle été trop intense au vu des rebondissements dramatiques. Peut-être l'influence des tensions et enjeux extrêmes que nous offrent les séries américaines du genre "24 Heures" est-elle aussi responsables de notre exigence. Toujours est-il que l'explicitation finale, malgré son intelligence, ramollit la dramaturgie de l'ensemble, fragilise la vraisemblance générale, et nous ferait presque dire : "Quoi ? C'était (seulement) ça..." Décidément, il y a des jours où l'on regrette amèrement de ne pas pouvoir s'extasier à 120% devant une oeuvre à la qualité incontestable !
   
Bernard Sellier