Bienvenue sur le site d'un manipulateur de mots, passionné d'écriture, de cinéma, de musique, d'ésotérisme...     

Le nom de la rose,
    (Der Name der Rose),      1986, 
 
de : Jean-Jacques  Annaud, 
 
  avec : Sean Connery, Christian Slater, Michael Lonsdale, F. Murray Abraham, , Ron Perlman, Valentina Vargas,
 
Musique : James Horner


   
Lire le poème ( CinéRime ) correspondant : ' Vers empoisonnés '

   
Guillaume de Baskerville (Sean Connery), moine Franciscain intellectuellement reconnu, arrive dans une abbaye du nord de l'Italie, accompagné d'un de ses élèves, le jeune Adso de Melk (Christian Slater). Plusieurs morts inexpliquées et violentes viennent d'y avoir lieu et Guillaume commence son enquête. Un concile de l'Ordre franciscain doit se dérouler quelques jours plus tard et cette vague de décès ferait mauvais effet... 
 
   "Le Nom de la Rose" est le type même du film aux paradoxes, non seulement parfaitement gérés et assumés, mais encore générateurs d'une atmosphère originale, étouffante, insidieuse, dans laquelle le spectateur est immergé corps et âme et qui s'imprime durablement en lui. 
 
   Je n'ai jamais lu le roman de Umberto Eco, réputé inadaptable au cinéma. J'ignore donc totalement si la transcription visuelle est ou non fidèle à l'esprit de l'oeuvre écrite. Ce qui est une évidence, c'est la réussite exceptionnelle du résultat. 
 
   A partir d'un sujet relativement mince : un certain nombre de morts violentes et l'enquête qui s'ensuit, associé à une cause criminelle qui peut paraître, sur le papier, dérisoire, Jean Jacques Annaud a réussi le tour de force de livrer un film passionnant de bout en bout, enchâssé dans un décor baroque envoûtant, peuplé de personnages hauts en couleur, le tout irrigué par le contexte médiéval à la fois terriblement sombre et profondément émouvant. 
 
   La noirceur est constante, imprégnant aussi bien les lieux qui laissent l'impression d'un décor maudit de fin du monde, que les personnages figés dans leurs dogmes et livrant une image certainement assez fidèle, même si exacerbée, de ce que pouvait être une congrégation sectaire dans la période crépusculaire de l'Inquisition, qui avait totalement rayé de sa ligne de conduite l'amour et le respect d'autrui. La seule source de lumière vient de Guillaume de Baskerville, personnage mystique et donc connecté au divin dans ce qu'il a de pur, dans lequel Sean Connery donne, comme toujours, le meilleur de son charisme naturel, et, dans une moindre mesure, de son élève, Adso. 
 
   Mais l'opposition fondamentale entre ces deux êtres ouverts à la vie et les momies sépulcrales qui peuplent l'abbaye, est traitée avec tant de fluidité et de subtilité que l'on n'éprouve jamais l'impression d'une cassure artificielle. 
 
   Unité de lieu, unité d'action, unité de temps, toutes concourent à faire de cette oeuvre un monument de densité, de concentration extrême des énergies. 
 
   Les personnages secondaires sont tout à fait remarquables, au sens propre du terme. A-t-on jamais vu une brochette de trognes aussi improbables, qui font ressembler les gangsters tarés de Quentin Tarentino à des enfants de choeur ? Et pourtant, c'est là aussi un paradoxe, cette ménagerie aux caractéristiques physiques et mentales exacerbées à l'extrême ne détonne pas dans l'atmosphère générale qui fait de l'excessif une valeur de vie à part entière. Ils sont tous remarquablement intégrés au décor et au drame. 
 
   Un seul personnage féminin dans cet univers de mâles refoulés et dégénérés, et une scène d'amour brève et sauvage qui annonce celle, très ressemblante, de "Stalingrad". 
 
   Une oeuvre noire, tendue, explorant les tréfonds de l'ignorance et de la bêtise humaines, plongeant ses racines dans un monde de personnages quasiments morts à la vie intérieure, et qui, pourtant, vibre de la première à la dernière image. 
 
   Une exceptionnelle réussite.
   
Bernard Sellier