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Le parrain 3,
      (The godfather 3),       1990, 
 
de : Francis Ford  Coppola, 
 
  avec : Bridget Fonda, Al Pacino, Raf Vallone, Helmut Berger, Andy Garcia, Diane Keaton, Joe Mantegna, Talia Shire, Eli Wallach, John Savage,
 
Musique : Nino Rota, Carmine Coppola

  
   
1979. Bien des années ont passé. Michael Corleone (Al Pacino) a vendu tous ses casinos et autres possessions douteuses. Il est devenu un homme hautement respectable. Une distinction pontificale, l'Ordre de Saint Sébastien, lui est remise en grandes pompes en contrepartie de son chèque de cent millions de dollars, destiné aux pauvres de Sicile ! La vie intime est, elle, beaucoup moins éclatante. Séparé de son épouse Kay (Diane Keaton), Michael voit son fils Anthony (Franc D'Ambrosio) arrêter ses études de droit pour se consacrer à la musique ! Sachant que son père est à l'origine de l'assassinat de son oncle Fredo, il ne veut avoir aucun lien professionnel avec lui. Seule sa fille Mary (Sofia Coppola) conserve pour lui un amour fervent. Un différend grave entre Joey Zasa (Joe Mantegna) et Vincent Mancini-Corleone, fils bâtard de Sonny, menace de ranimer une guerre intestine entre les différentes composantes du clan... 
 
   Est-ce le temps écoulé depuis la seconde partie : le "Parrain II" date de 1974. Est-ce la lente métamorphose d'une famille marquée par la mort et la désintégration ? Est-ce une évolution voulue dans l'approche narrative ? Quel que soit le responsable, toujours est-il que ce troisième volet se démarque assez nettement de ses prédécesseurs. Moins dans la représentation cinématographique que dans l'atmosphère générale. L'intrigue, plus distendue, donne le ton : l'éclatement se manifeste tout autant dans l'entourage de Michael que dans le sujet lui-même. Comme si l'oeil de l'observateur, jusqu'alors noyé dans le giron Corleone, s'était déplacé du coeur de la famille pour explorer un extérieur tout aussi corrompu. Mêlant drame intimiste et histoire religieuse, le récit dissèque avec une maîtrise distanciée les collusions de la mafia et de certains hauts dignitaires du Vatican, le point d'orgue étant le Pontificat éclair de Jean-Paul 1er. Il faut reconnaître que tout cela est parfois long, nébuleux, pour ne pas dire ennuyeux. La lenteur hiératique qui, dans le second volet, parvenait à rendre intenses les relations, les doutes, les errements, des protagonistes, perd quelquefois ici de sa noblesse et de sa puissance. Il faut toute l'acuité, la véhémence d'un Michael transfiguré, cheveux poivre et sel, aussi impressionnant dans la déchéance physique et morale, qu'il l'était dans la véhémence furieuse, pour permettre au spectateur de ne pas décrocher fréquemment. Les enjeux qui se développent tout au long de ces cent cinquante minutes nous semblent souvent bien lointains. Peut-être est-ce justement là une réussite majeure, que d'être parvenu à faire ressentir à l'observateur la lassitude désespérée qui gagne le lion chasseur devenu gibier fragile. Un peu à l'image de Don Fabrizio Salina qui, dans "Le Guépard", voyait sa splendeur décliner doucement, inéluctablement, tandis que la nouvelle génération, incarnée par Tancrède Falconeri s'élevait vers un nouveau Panthéon brillant, Michael, usé par les douleurs et par le remords, glisse de son piédestal tandis que la jeunesse, représentée par Vincent, jeune chien fou comme l'était son père Sonny, gravit le sentier de la suprématie.  
 
   Tout au long de cette histoire, marquée par la mélancolie et la désespérance, l'ombre des deux épisodes précédents, envoûtants et magiques, plane et nous fait regretter leur magnétisme. Mais, par la grâce d'un final protéiforme, suffocant de maîtrise, de drame et d'émotion, le réalisateur prouve, s'il était besoin, qu'il n'a en rien perdu de sa puissance souveraine.
   
Bernard Sellier