The path, Saison 1, série de Jessica Goldberg, commentaire

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The path,
       Saison 1,       2016 
 
de : Jessica  Goldberg, 
 
avec : Aaron Paul, Michelle Monaghan , Emma Greenwall, Hugh Dancy, Kyle Allen, Deirdre O'Connell,
 
Musique : Will Bates

  Ne pas lire avant d'avoir vu la série...

 
Saison 2

 
Sarah (Michelle Monaghan) et son mari Eddie Lane (Aaron Paul) font partie d'un mouvement pseudo mystique dirigé par le docteur Steven Meyer (Keir Dullea). Celui-ci est actuellement au Pérou pour recevoir les trois derniers 'échelons' qui permettront de sauver ses fidèles. Dans son centre de Parksdale, aux États-Unis, c'est Calvin Roberts (Hugh Dancy) qui le remplace. Eddie revient d'un stage à Cuzco. Sarah le trouve distant. Il ne parvient pas à lui avouer qu'il a des doutes...

  Une petite communauté qui vient en aide aux plus démunis, qui recueille les victimes d'un ouragan... Quoi de plus sympathique et altruiste ? Les membres qui y vivent semblent épanouis. La «vérité» et l'authenticité semblent au cœur des préoccupations de chacun(e). Tout serait-il pour le mieux dans le meilleur des mondes des prétendus «éveillés» ? Bien sûr que non. D'une part parce que l'illumination revêt différentes facettes en fonction des personnes qui la vivent ou croient la vivre. D'autre part parce que, très vite, l'ego vient perturber et saborder ce fragile édifice fondé en grande partie sur l'illusion. 

 Depuis environ deux décennies, grâce à Internet, nous avons connaissance d'un nombre toujours plus grand de personnes qui ont vécu un «éveil spirituel». C'est-à-dire une reconnexion avec l'étincelle éternelle qui sommeille au fond de nos êtres depuis toujours, et que nous avons occultée en nous enfonçons de plus en plus profondément dans la matérialité. Nous avons créé, il y a quelques années le site «Pure Conscience», qui regroupe quelques êtres, décédés ou vivants, ayant vécu cette «illumination», et l'ayant «conservée» dans leur vie de tous les jours, ce qui est particulièrement important. Prenons par exemple le cas de Calvin. Il est probable qu'il a expérimenté, grâce aux sessions d'ayahuasca, des dimensions existentielles auxquelles n'ont pas accès l'immense majorité des humains. Peut-être même a-t-il vécu un «éveil» partiel ou profond. Mais il apparaît rapidement que son ego a repris les commandes et que ses traumatismes psychologiques n'ont pas été résolus. Cette «retombée» dans le monde de la dualité et des perturbations émotionnelles constitue l'un des grands dangers qui menacent le nouvel «éveillé». Après avoir vécu une fusion plus ou moins profonde avec un niveau de conscience radicalement différent, il peut se considérer comme 'supérieur' aux autres, comme un 'élu' apte à diriger ses proches vers ce qu'il croit être la Vérité absolue. En fait, les pulsions, les frustrations, les angoisses, sont toujours présentes et risquent à tout moment de saborder l'avancée spirituelle vécue. Claudette Vidal a transmis un texte de Jack Kornfield, auteur du livre «Après l'extase, la lessive», qui expose très clairement les différentes étapes qui suivent «l'éveil» : «Les quatre étapes de la réalisation». 

 C'est avec une grande finesse et une authenticité profonde que le récit observe les deux axes dramatiques qui se développent : d'une part l'enfoncement d'Eddy dans une dissimulation de sa souffrance, dans une négation de son intuition et de sa méfiance ; d'autre part la spirale infernale qui conduit Calvin vers une dérive tragique de sa personnalité ainsi que de ce mouvement a priori compassionnel et salvateur. Toute l'aberration de ce type de microcosme repose en fin de compte sur une seule erreur : la «croissance» intérieure d'un être humain ne peut se faire que par son expérience propre, par ses erreurs, par la compréhension de celles-ci, par l'apprentissage personnel du discernement. Le fait d'imposer à toute personne le suivi d'une voie toute tracée, figée, est totalement contre nature, forcément nuisible, et voué à l'échec. L'Amour et son corollaire la compassion sont des états d'être, en aucun cas ils ne peuvent être véhiculés par une doctrine. Cette plongée dans l'extrémisme met en lumière la fracture irrémédiable entre les principes, positifs, altruistes, empathiques, et l'application dans la manifestation, en totale opposition avec eux. L'exemple le plus flagrant est celui de Sarah : pétrie de bons sentiments, capable d'affronter l'adversité pour permettre à des immigrants sans papiers de demeurer à l'abri dans la congrégation, mais à côté de cela refusant de revoir son fils parce qu'il a décidé de quitter l'Échelle !

 L'enfermement progressif dans une idéologie qui grignote peu à peu la raison et le discernement a été rarement analysé avec autant de justesse et d'émotion authentique. Toute la panoplie des techniques utilisées pour la manipulation des masses sont ici à l'œuvre : valoriser certains membres, en punir d'autres, faire miroiter des espoirs illusoires, culpabiliser, menacer, mentir, afficher de véritables bienfaits pour masquer les zones noires... Toutes ces composantes sont intégrées de manière fluide et dessinent in fine une tragédie aussi pédagogique que profondément bouleversante. Qualité supplémentaire : le manichéisme n'est jamais de la partie. Tous les personnages, même les plus sombres, connaissent des moments où la lumière et une certaine forme d'amour se manifestent. Et tous, depuis le trouble Calvin jusqu'à la passionnée Sarah, en passant par un Eddy traumatisé, un Hawk (Kyle Allen) déboussolé, une Alison Kemp (Sarah Jones) dépressive, une Marie Cox (Emma Greenwell) égarée, composent un microcosme dont l'humanité n'a d'égale que la justesse psychologique avec laquelle ils sont peints. 

 Une remarquable réussite, à la fois pédagogique, captivante et intensément dramatique.
   
Bernard Sellier