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Pendez-les haut et court,
     (Hang 'em high),     1968, 
 
de : Ted  Post, 
 
  avec : Clint Eastwood, Ed Begley, Inger Stevens, Charles McGrew, Bruce Dern, Dennis Hopper, Pat Hingle, Ben Johnson,
 
Musique : Dominic Frontiere

 
   
Jed Cooper (Clint Eastwood) est accusé, par un groupe d'hommes sous les ordres du "Capitaine" Wilson (Ed Begley), d'avoir volé un troupeau de bétail. Il est pendu, mais, heureusement sauvé in extremis par le Marshal Dave Bliss (Ben Johnson), qui ramenait à Fort Grant un convoi de prisonniers. Le Juge Adam Fenton (Pat Hingle) reconnaît l'innocence de Cooper et lui propose, sachant qu'il a jadis fait partie de la police de Saint-Louis, d'accepter le poste de Marshall fédéral. Jed accepte et part à la recherche des hommes qui l'ont exécuté sans jugement... 
 
   L'histoire commence de manière très classique, comme dans les bons vieux westerns des années cinquante. Pourtant, Sergio Leone a déjà pulvérisé les codes du genre avec sa "trilogie" ("Pour une poignée de dollars", "Et pour quelques dollars de plus", ainsi que, deux ans plus tôt, "Le Bon, la Brute, le Truand"). Sans parler du sublime "Il était une fois dans l'ouest", sorti la même année que le film de Ted Post. Mais, si l'on fait abstraction de ces monuments, et que l'on se concentre sur le drame, l'oeuvre acquiert, au fil de la narration, un intérêt et une densité inattendus. Ce qui semblait prendre le chemin d'une vengeance primaire devient progressivement une réflexion passionnante sur la notion de justice, et un constat affligeant sur la manière moyenâgeuse dont les exécutions étaient appliquées. Avec 19 Marshall et une seule juridiction pour un territoire de presque 200 000 kilomètres carrés, il n'était pas question de finasser. Peu à peu, la figure honorable du Juge Fenton laisse apparaître des zones sombres, ses motivations semblent douteuses, mais, au final, il n'est que le représentant d'une loi hautement répressive, encore incapable de se donner les moyens de faire régner une justice mesurée. En comparaison des lynchages aveugles, exécutés dans la haine, en dehors de toute légalité, les procès et jugements de la cour semblent un progrès indéniable. En réalité, il ne s'agit que d'un simulacre, comme nous en voyons encore aujourd'hui, dans tous les pays totalitaires. Clint Eastwood, trois ans avant l'arrivée de "L'Inspecteur Harry", campe ici un personnage annonciateur, quoique beaucoup plus mesuré, partagé entre un compréhensible besoin de vengeance, le désir de mettre fin à la loi de la jungle et à l'impunité des truands, mais sans avoir encore fait sienne la certitude que la justice crée parfois sa propre impuissance. Et c'est un plaisir de revoir Inger Stevens dans un rôle, lui aussi, ténébreux.  
 
   L'action, telle qu'on peut l'attendre de ce genre de film, est restreinte, la mise en scène ne fait pas preuve d'une originalité particulière, mais le sujet et le contexte historique se révèlent fort intéressants.
   
Bernard Sellier