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Memento,
     2000, 
 
de : Christopher  Nolan, 
 
  avec : Guy Pearce, Carrie-Anne Moss, Joe Pantoliano, Russ Fega, Jorja Fox, Stephen Tobolowsky, Thomas Lennon,
 
Musique : David Julyan

 
   
Leonard (Guy Pearce) est un homme jeune, en bonne santé physique, obsédé par un but unique : découvrir l'assassin de sa femme, probablement un certain John G. Dans cette quête, un handicap majeur : Leonard oublie tout ce qu'il vit dans les minutes qui suivent les événements. Il est contraint de noter sur des photos, sur de petits bouts de papier, et, plus sûrement, sur son corps, les informations qui lui sont données dans l'instant où elles sont encore présentes dans son cerveau ! Deux personnages, Teddy Gammell (Joe Pantoliano) et Natalie (Carrie-Anne Moss) semblent avoir connaissance d'éléments utiles. Mais qui sont-ils réellement et sont-ils fiables ? That is the question... 
 
   Une jeune femme tuée. Un mari, fou de douleur, qui cherche, par tous les moyens, à retrouver le coupable. Rien de bien nouveau sous le soleil ("Le Fugitif"...). Une enquête rendue plus qu'aléatoire par l'amnésie particulière du sujet ? C'est également du déjà vu. Sauf que, dans le cas présent, toute cette pousuite nous est présentée d'une part en flash back, ce qui, là non plus, n'est pas foncièrement original, mais surtout, d'autre part, en sauts de puce remontant le cours du temps. Autant dire que Christopher Nolan et surtout son monteur, ont placé la barre très haut. Ce choix d'une distribution des événements ne suivant pas la courbe chronologique normale semble de plus en plus attirer les réalisateurs. Pour ne mentionner que quelques exemples, rappelons-nous "Before the rain", "11h14", et surtout, les réussites majeures de Alejandro González Iñárritu : "Amours chiennes" et "21 grammes". Il faut dire que, outre l'originalité du procédé, ce morcellement des séquences permet, lorsqu'elles sont véritablement habitées, de bousculer le mental et d'amplifier les chocs émotionnels. Le résultat est, dans cette oeuvre-ci, tout à fait bluffant. D'autant plus que la clé de l'énigme, telle un éblouissement poignant, ouvre la porte sur un monde infini de manipulation qui procure le vertige. Cela dit, le procédé, pour intelligent et provocateur qu'il soit, a tout de même ses limites. La difficulté majeure réside dans le fait de frôler en permanence l'artifice sans tomber dedans à pieds joints. L'exercice est plus que périlleux, et les appréciations extrêmes qui ont salué la sortie de "21 grammes" par exemple, prouvent que la réception de ces gymnastiques narratives chez les spectateurs est souvent marquée par des passions volcaniques. Ici, la sobriété sèche de la narration, le montage vif des séquences, l'art souverain des enjambements, sont à porter au crédit du film. La chute finale surprend par son aspect abrupt. Le choix de Guy Pearce est-il bon ? Les avis peuvent être partagés. Il affiche un dépouillement, une rudesse qui sont en accord avec le ton général, mais certains pourront voir, dans cette frugalité des expressions, une pâleur dommageable.  
 
   A n'en pas douter, Christopher Nolan apporte au genre un renouveau aussi vivifiant qu'excitant. De là à classer ce film 24ème dans le hit-parade général de IMDB, c'est sans doute pousser le bouchon un peu loin...  (51ème en juillet 2019...)
 
  P.S. Le montage "chronologique" apporte un éclairage particulier sur l'aspect manipulation, mais souffre, bien évidemment, de la révélation clé dès les premières minutes de film !
   
Bernard Sellier