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Un prophète,
       2009, 
 
de : Jacques  Audiard, 
 
  avec : Tahar Rahim, Niels Arestrup, Adel Bencherif, Reda Kateb, Gilles Cohen, Antoine Basler,  
 
Musique : Alexandre Desplat

  
   
Malik El Djebena (Tahar Rahim) est incarcéré pour six ans. A l'intérieur de la prison, il ne connaît personne. Un jour, arrive en transit pour quelques jours, un prisonnier qui doit apporter un témoignage important dans le procès Faraldo. Une cible à liquider rapidement. Mais Cesar Luciani (Niels Arestrup), chef des Corses, n'a pas l'intention de sacrifier un de ses hommes pour effectuer l'exécution. Il contacte Malik et le force à supprimer le témoin gênant. Dès lors, le jeune homme acquiert la protection de César... 
 
   Le film a été salué, quasiment à l'unanimité, par la critique. Assurément, si l'on prend en compte l'authenticité de la plongée dans l'univers carcéral, dont les tares immuables (sauvagerie ordinaire, peur omniprésente, clans rivaux, corruption banalisée, haines raciales...), et l'atmosphère mortifère sont criantes de vérité, la réussite est indéniable. Il en est de même si l'on se concentre sur l'intensité sobre avec laquelle Tahar Rahim et Niels Arestrup s'investissent dans leurs personnages. Le second impose, avec un époustouflant naturel, une schizophrénie mémorable oscillant sans cesse entre charme languide et bouffées de violence tétanisantes. L'enthousiasme commence à se gâter lorsque l'on prend en compte l'histoire. Cette descente dans les réglements de compte corso-italiano-arabes n'est pas des plus palpitantes, d'autant plus que la clarté narrative laisse parfois à désirer. Mais ce qui me paraît le plus important handicap, réside dans l'indifférence avec laquelle on observe ces individualités. Peut-être les drames vécus par les prisonniers de la série "Oz" étaient-ils trop "écrits", tricotés d'une manière un tantinet artificielle. Toujours est-il que l'on vibrait en permanence, corps et âme, aux souffrances vécues par Tim McManus, Augustus Hill, Kareem Said et autres Tobias Beecher. Ici, rien de tel. Plus encore que dans "De battre mon coeur s'est arrêté", déjà passablement froid, la distanciation avec laquelle est ici observée l'inhumanité des protagonistes dresse entre eux et le spectateur un mur que nulle émotion ne semble à même de traverser. Au point que l'on se contrefout totalement de ce qui peut arriver à ces humains pourtant déchirés intérieurement. 
 
   Jacques Audiard est à n'en pas douter un maître réalisateur (le plus grand actuellement estiment certains critiques). Il effectue une oeuvre d'entomologiste impressionnante à bien des égards, mais il est très regrettable que certains puissent se sentir totalement étrangers à ce genre d'expression cinématographique.
   
Bernard Sellier