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Romance X,
      1999,  
 
de : Catherine  Breillat, 
 
  avec : Caroline Ducey, Sagamore Stévenin, Rocco Siffredi, François Berléand,
 
Musique : Raphaël Tidas, D.J. Valentin


   
Lire le poème ( CinéRime ) correspondant : ' Désamour '

   
Marie (Caroline Ducey) est institutrice. Elle est attaché à Paul (Sagamore Stévenin) mais ne supporte plus qu'il n'ait pas envie de faire l'amour. Alors elle cherche une compensation avec Paolo (Rocco Siffredi). Puis avec son directeur, Robert (François Berléand), spécialiste du sado-maso... 
 
   Depuis "Une vraie jeune fille" jusqu'au récent "Anatomie de l'enfer", Catherine Breillat n'en finit pas de disséquer à la machette sa conception des rapports intimes hommes-femmes. Et chez elle, la sexualité est tout, sauf spontanée, simple, joyeuse, gratifiante et naturelle ! Une antithèse de la réalisation tantrique. On n'en finirait pas d'analyser sa compréhension et les blocages traumatiques qui la parsèment, tant les commentaires parlés ou en voix off déversent tous azimuts les aphorismes les plus saugrenus dont beaucoup frisent l'aberration mentale. Cette analyse n'aurait d'ailleurs sans doute d'intérêt que pour un psychanalyste chargé de démêler l'écheveau de ce mal-être fondamental. Quelques phrases suffisent à se faire une assez juste idée de la manière dont la réalisatrice conçoit l'amour : "les femmes sont les victimes des hommes" ; "l'amour entre hommes et femmes est une bataille sournoise" ; "l'amour est une question de pouvoir". Enfin, Marie s'avoue qu'elle a le désir de trouver un Jack l'Eventreur afin de mettre à jour cet amas de boyaux qui est l'essence du corps féminin !... C'est dire l'équilibre affectif qui nimbe ce film. Les hommes y sont, soit autoritaires et méprisants, soit machines à sexualité, soit sadomasochistes. La relation équilibrée, épanouissante pour l'un et l'autre, l'homme "normal", c'est-à-dire ayant harmonisé en lui les deux polarités qui le composent, n'existent pas chez Catherine Breillat. Mais la femme n'y est pas mieux lotie, puisqu'elle est un patchwork désorganisé, cherchant désespérément dans les directions les plus insensées, dans les paradoxes les plus fous, une reconnaissance de sa valeur.  
 
   Lorsque l'on sort de la projection d'un tel film, on se dit que la conscience de la réalisatrice doit ressembler à un champ de bataille jonché de contradictions sanglantes, de visions cauchemardesques, d'aspirations anarchiques et de giclées de violence inassouvies. Et c'est bien triste pour elle. Tout est utilisable, même le monde sacralisé de la médecine (la longue scène où les étudiants en médecine se suivent pour examiner Marie enceinte), pour flétrir le corps de la femme, cette merveille de beauté et de sensibilité. Mais, s'il ne fallait retenir qu'une leçon de cette longue agonie de l'amour, de cette suite lancinante (et parfois inaudible) de commentaires nauséeux, ce serait le constat suivant : voilà ce qui émerge de notre personnalité décomposée, lorsque le corps et la tête n'ont pas de connexion entre eux. 
 
   Commencé dans un noir explicatif (on ne sait pourquoi Paul a choisi cette attitude de refus sexuel), qui contraste étrangement avec le blanc immaculé de son appartement, l'histoire se clôt sur une note de cynisme morbide qui achève en brutalité inconsciente ce parcours affligeant.  
 
   Un grand coup de chapeau tout de même à Caroline Ducey, qui exprime avec justesse les errements intérieurs de Marie, et ne s'est peut-être pas follement amusée pendant ce tournage.
   
Bernard Sellier