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The substance,
       2024, 
 
de : Coralie  Fargeat, 
 
  avec : Demi Moore, Margaret Qualley, Dennis Quaid, Edward Hamilton-Clark, Oscar Lesage,
 
Musique : Raffertie


 
Ne pas lire avant d'avoir vu le film...

 
Elisabeth Sparkle (Demi Moore) est la vedette d'une émission télévisée à succès sur le fitness. Mais, à l'approche de la cinquantaine, elle se voit mise à l'écart par le directeur de la chaîne, Harvey (Dennis Quaid). Elle décide d'accepter une offre qui lui a été faite : utiliser un produit miracle, appelé la Substance, afin de conserver une certaine forme de jeunesse. C'est ainsi que naît Sue (Margaret Qualley), une version juvénile et très sexy d'Elisabeth. Mais cette transformation doit obéir à certaines règles très strictes...
 
 En deux longs métrages, Coralie Fargeat grave son empreinte assez unique dans l'univers cinématographique. Nous l'avions quittée dans Revenge, sorti en 2017, qui, sur un sujet classique de vengeance personnelle, possédait déjà une patine personnelle remarquable. La réalisatrice gravit ici plusieurs paliers d'un coup, en offrant au spectateur un spectacle inventif, éprouvant, et profondément original dans son traitement visuel. Ce qui frappe en premier lieu, c'est l'usage immodéré des hyper gros plans sur les objets, les corps, les yeux... La caméra donne l'impression de vouloir pénétrer à l'intérieur des chairs, scruter les métamorphoses invisibles qui transforment l'être. Ensuite, nous sommes soumis à un amoncellement de cadrages sur des motifs géométriques, de vues sur des corridors sans fin, d'une insistance visuelle presque clinique sur les matériaux des surfaces, les textures, les teintes qui oscillent entre le noir, le blanc hospitalier, et les couleurs vives et crues. La douche est aussi un élément récurrent. Comme si le ruissellement de l'eau avait le pouvoir de procurer une pureté juvénile nouvelle.

 Le thème fondamental est celui de l'éternelle jeunesse, et ce récit est une sorte de variation extrême et gore du Portrait de Dorian Grey. Hormis l'incursion périodique d'un imprésario aussi primaire que caricatural, campé avec gourmandise par Dennis Quaid, 99% du film est occupé par les deux versions de la reine du fitness. Et le moins que l'on puisse dire est que la performance de Demi Moore est aussi bluffante que sa transformation progressive, qui n'est pas sans rappeler la Mouche de David Cronenberg. Malheureusement, si la première moitié du film fait preuve d'une certaine retenue, il n'en est pas de même par la suite. On se doute aisément que toutes les manipulations corporelles vont aboutir à un cataclysme. Mais il était difficile d'imaginer un final aussi sanglant (une psychanalyse de la réalisatrice-scénariste doit fournir des données gratinées !), et surtout grand-guignolesque, qui, par ses outrances gratuites et ses excès débordants, voire grotesques, dessert l'œuvre  dont le symbolisme maîtrisé régnait jusqu'alors. Mais reconnaissons que le prix du meilleur scénario attribué au film à Cannes en 2024 n'est tout de même pas volé, et que Coralie Fargeat fait montre d'une personnalité hors du commun.
   
Bernard Sellier