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Tetro,
      2009, 
 
de : Francis Ford  Coppola, 
 
  avec : Vincent Gallo, Klaus Maria Brandauer, Carmen Maura, Alden Ehrenreich, Silvia Perez, Maribel Verdu, 
 
Musique : Osvaldo Golijov, Johannes Brahms, Jacques Offenbach...

 
   
Benjamin "Bennie" (Alden Ehrenreich), âgé de 18 ans, profite d'une réparation du transatlantique sur lequel il travaille, pour rendre visite à son frère aîné, Angelo (Vincent Gallo), qui s'est exilé depuis une décennie à Buenos Aires et y vit en compagnie d'une femme médecin, Miranda (Maribel Verdu). Bennie s'aperçoit qu'il n'est pas le bienvenu, et que celui pour lequel il manifeste une admiration intense ne veut plus avoir aucun contact avec sa famille. Il se fait appeler désormais "Tetro"... 
 
   C'est un étrange objet psychanalytique que nous offre le réalisateur. Non pour les thèmes qu'il brasse (la famille, le pouvoir du père, le rayonnement charismatique d'un être puissant), que l'on retrouve aussi bien dans la trilogie du "Parrain" que dans "Apocalypse now". Mais pour la forme, l'écrin, dans lesquels évoluent ces personnages malades, traumatisés, qui ont perdu leurs repères et leurs ancrages vitaux. C'est dans un noir et blanc somptueux, traversé de séquences colorées qui paraissent comme autant de flashes issus d'une vie antérieure à la descente d'une chape de plomb sur la famille Tetrocini, que se déroule ce ballet morbide dans lequel les personnages jouent consciemment ou non une pantomime tragique. Porteurs des masques dont ils se sont recouverts ou qui leur ont été imposés par les non dits, les deux frères cherchent dans la fuite, dans la folie, dans l'obscurité et la médiocrité où ils se terrent, un moyen d'échapper à l'insupportable. Le théâtre joue d'ailleurs un rôle important dans cette lente et douloureuse prise de conscience que seule la vérité est susceptible de libérer l'être intérieur de la gangue mortifère dans laquelle les passions l'ont enfermé. C'est sur Vincent Gallo, impressionnant de détresse et de sauvagerie contenues, que repose ce film, dont l'émotion contenue, bridée même, exige, de la part du spectateur, un engagement profond pour que l'empathie puisse naître. 
 
    Une œuvre impressionnante de beauté formelle, qui scrute au plus près les pulsions et l'évolution des blessures sans jamais jouer la carte du spectaculaire, mais qui se montre exigeante vis à vis du spectateur pour que sa richesse et sa valeur soient appréciées comme elles le méritent.
   
Bernard Sellier