Santa Cruz, Mexique. Emiliano Lobo (Sebastián Martínez), richissime avocat, vit avec son épouse policière, Daniela (Ana Claudia Talancón) et leurs deux enfants, Lucia (Macarena García Romero) et le jeune Rodrigo (Yago Andreu Sandoval). Une grande fête est organisée pour l'anniversaire du garçonnet. Mais le château gonflable s'envole. Trois enfants, dont Rodrigo, sont tués. Paula, une fillette, est portée disparue. La responsabilité de l'accident est portée sur l'employé d'Emiliano, Ramón 'Moncho' Gómez (Silverio Palacios)...
Un piquet de dix centimètres que quelqu'un a oublié de fixer... Et c'est tout un pan de la grosse bourgeoisie locale qui éclate en mille morceaux. Entre parenthèses, il est difficile de croire que le fait d'avoir planté ce minuscule piquet aurait pu changer la donne, étant donné le volume du château. Mais passons. À partir de ce qui n'aurait pu être qu'un incident négligeable, et du gros mensonge qui a suivi, voilà donc des richissimes qui se volent dans les plumes et s'entretuent. L'histoire ne manque pas de rebondissements, les personnages sont caractérisés avec force, sinon avec finesse, et le spectateur ne s'ennuiera pas une seconde. Mais qu'en est-il de l'émotion authentique dans tout cela ? Parce qu'il ne suffit pas de voir les acteurs hurler les uns sur les autres, magouiller à n'en plus finir, se menacer sans cesse, pour que la mayonnaise se révèle goûteuse et raffinée. Il est vrai que les protagonistes de ce drame ne sont pas tous traités de la même façon. L'évolution intérieure d'Emiliano, par exemple, est analysée avec une certaine sobriété qui n'exclut pas la sensibilité. Mais lorsqu'on regarde Agustín 'Charro' Mejía (Alberto Guerra), on se trouve face à une véritable caricature de l'abruti macho, à la fois décérébré et hyper-violent. Alors, certes, il participe grandement à la dramaturgie du récit, mais ce genre d'hypertrophie peut handicaper grandement l'entrée émotionnelle profonde dans cette tragédie.
Pourtant, le plus fâcheux ne réside pas dans cette approche excessive de certains portraits, mais dans la réalisation elle-même. Cette série se montre attractive dans son accumulation de péripéties diversifiées toujours plus mortifères (chantage, menaces, mensonges, manipulations, jalousie, intérêt, meurtres...), mais sa capacité d'authenticité est très réduite. « Accidente » pourrait même être prise en exemple pour comprendre les différences fondamentales qui existent entre une création de haute volée et une de ce niveau. Pourquoi ? Parce que, dans le cas de la première, - par exemple The victim, Mare of Easttown, Broadchurch... -, la narration et les personnages respirent, vivent leurs émotions intérieurement, ce qui peut engendrer une lenteur certaine, mais participe de manière fondamentale à la maturité et à l'excellence de la création. Dans le cas présent, l'immense majorité des scènes sont privées de ces éléments essentiels, défaut que l'on retrouve dans nombre de séries ou téléfilms français. On a l'impression en permanence de voir le réalisateur dire « Action ». Les acteurs entrent, jouent leur texte, hurlent, puis l'un claque la porte, et on croit entendre « Coupez ». Et on passe à la scène suivante. Il émane de ce choix narratif une impression que tout cela est artificiel. Une transcription fidèle de ce qui est écrit dans le scénario, mais exprimée sans âme. La conséquence est que l'on peut admirer l'accumulation événementielle et la construction de l'histoire écrite par des scénaristes pros, mais que l'on est privé de l'empathie profonde que l'on devrait porter à ces personnalités soumises à un karma incroyablement pesant. On regarde des marionnettes qui jouent plus ou moins bien ce qui a été écrit pour eux, mais on ne voit jamais exister des êtres de chair, d'os et d'émotions, précipités dans un drame authentique. Bernard Sellier