Benedetta, film de Paul Verhoeven, commentaire

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Benedetta,
      2021,  
 
de : Paul  Verhoeven, 
 
  avec : Virginie Efira, Charlotte Rampling, Lambert Wilson, Olivier Rabourdin, Daphné Patakia, Guilaine Londez, Clotilde Courau,

Musique : Anne Dudley

 
 
La toute jeune Benedetta (Elena Plonka) est offerte par son père, Giuliano Carlini (David Clavel) au couvent dirigé par l'abbesse Felicita (Charlotte Rampling), pour honorer la promesse faite à Dieu lorsqu'elle avait failli mourir à sa naissance. Dix-huit ans plus tard, Benedetta (Virginie Efira) se lie avec une jeune femme, Bartolomea (Daphné Patakia), recueillie par la communauté alors qu'elle fuyait la violence de son père... 
 
  Les dernières créations de Paul Verhoeven, «Elle», et surtout «Black Book», nous avaient permis de retrouver le Paul Verhoeven captivant et magnétique que nous avions un peu perdu lors de ses réalisations douteuses, genre «Showgirls» ou «Starship troopers». Le sujet abordé ici, sulfureux à souhait, ne pouvait manquer d'inspirer l'imprévisible cinéaste. Pourtant, l'ouverture de cette histoire, véridique paraît-il, n'est guère convaincante. Le débit oral de Virginie Efira, très moderne et précipité, semble anachronique et déplacé dans cette atmosphère lugubre et compassée, même s'il se montre en accord avec son tempérament bouillonnant et ses perturbations psychiques. Quant aux visions symboliques qui la visitent régulièrement, avec un Jésus (Jonathan Couzinié) très prosaïque qui tranche les têtes sans hésiter, elles manquent singulièrement d'inspiration et de légèreté. Il y a plusieurs façons d'aborder ce genre de pamphlet. Soit de manière très sérieuse et académique, soit de manière kitsch, comme ce fut par exemple le cas dans «Les diables» de Ken Russell. Paul Verhoeven a choisi une voie encore différente. Une espèce de mélange improbable entre ces deux extrêmes, avec, d'un côté une dramaturgie qui flirte parfois avec l'horreur, et de l'autre des séquences qui s'approchent d'un humour sombre. L'impression que laisse cette œuvre est étrange. On a l'impression d'avoir assisté à une tragédie sanglante fondée sur l'intolérance et l'obscurantisme, mais en même temps d'avoir participé à une fable qui, plus d'une fois, côtoie l'artificiel, voire le grotesque. Cette impression d'écartèlement entre des approches a priori incompatibles naît de plusieurs facteurs. Mais le principal réside sans doute dans le jeu des acteurs et, en particulier, de Virginie Efira. La grande majorité des critiques a salué son incarnation. Il est indéniable qu'elle est impressionnante, et sa prestation est sans doute conforme aux attentes du réalisateur. Mais l'est-elle forcément dans le 'bon' sens du terme ? Cela peut se discuter. Tout comme il est possible de débattre sur les intentions de Paul Verhoeven. Qu'a-t-il voulu transmettre en racontant l'histoire de cette religieuse qui découvre les plaisirs charnels tout en laissant supposer qu'elle est à ce point unie à Jésus qu'elle voit son corps exprimer les stigmates christiques ? Telle qu'elle est peinte, Benedetta révèle surtout une nature manipulatrice et perverse. Pour tout dire, assez antipathique. Évidemment, les sommités religieuses, personnifiées par le Nonce de Florence, Alfonso Giglioli (Lambert Wilson), ne sont pas davantage engageantes, plongées qu'elles sont dans la dualité primaire Paradis-Enfer, et promptes à envoyer sur le bûcher les prétendus hérétiques. Paul Verhoeven a mixé dans son récit plusieurs composantes : la sexualité, la religiosité, l'intolérance, les évènements cosmiques (la comète), les pandémies (la peste), l'inspiration mystique, les pathologies psychiques... Il est certain que cette combinaison, traitée par un autre réalisateur, n'aurait pas donné naissance au même spectacle détonant.  Mais le résultat qui s'offre au spectateur donne l'impression d'une création volontairement iconoclaste, mais dramatiquement artificielle, futile malgré les souffrances affichées, née de l'esprit d'un grand gamin qui jouerait avec les interdits dans l'unique but de choquer. Virginie Efira a beaucoup donné d'elle-même, mais le spectateur, lui, ne reçoit pas grand chose de consistant et de véritablement bouleversant.
   
Bernard Sellier