Le Comte de Monte-Cristo, film de Robert Vernay, commentaire

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Le comte de Monte-Cristo,
     1954,  
 
de : Robert  Vernay, 
 
  avec : Jean Marais, Lia Amanda, Jean-Pierre Mocky, Louis Seigner, Daniel Ivernel, Folco Lulli,
 
Musique : Jean Wiener


 
Lire le poème (CinéRime) correspondant : ' Attendre et espérer '

 
Edmond Dantès (Jean Marais) a tout pour être heureux : la jeunesse, la beauté, une charmante fiancée, Mercedes (Lia Amanda), et un poste de capitaine à bord du "Pharaon", que lui offre son armateur marseillais, Monsieur Morrel (André Brunot). Mais, le soir de ses fiançailles, la foudre tombe. Dénoncé comme pro-bonapartiste par Fernand Mondego (Roger Pigaut), cousin de Mercedes et amoureux d'elle, ainsi que par Caderousse (Daniel Ivernel), qui espérait devenir capitaine, il est emprisonné sans jugement au château d'If. C'est là qu'il fait la connaissance d'un vieux prisonnier mystérieux, l'abbé Faria (Gualtiero Tumiati)... 
 
 Exception faite de cas très rares (par exemple George Sluizer qui a tourné deux fois la même histoire à 5 ans d'intervalle : "L'homme qui voulait savoir" et "La disparue"), il est rarissime qu'un réalisateur effectue un remake de sa propre oeuvre. C'est le cas de Robert Vernay qui, 10 ans après avoir présenté une première version du chef-d'oeuvre d'Alexandre Dumas avec un Pierre Richard Willm très convaincant, se replonge à nouveau dans le drame d'Edmond Dantès, sous les traits, cette fois-ci, du charismatique Jean Marais. En ce qui concerne ce choix, comme d'ailleurs celui de Louis Jourdan dans une autre version, rien de nouveau à redire, sinon ce qui a déjà été écrit dans le commentaire sur la version avec Pierre Richard Willm, à savoir une identification quasiment idéale avec le personnage mi-aventurier mi-aristocrate mystique créé par Dumas. Rien à voir, heureusement, avec la vulgarité bedonnante de Gérard Depardieu ! 
 
 Un mystère, tout de même, dans l'approche de Robert Vernay, qui, s'il semble manifestement aimer le roman, semble avoir une dent contre le personnage de Danglars, déjà éjecté purement et simplement de la version précédente, et tout aussi absent ici ! Voilà un choix répété difficilement acceptable. Danglars tient en effet une place majeure dans la dramaturgie de l'histoire, d'abord parce qu'il est le moteur originel du complot, mais surtout parce que, dernier survivant de la vengeance du Comte, il subit un sort différent de celui de ses complices. 
 
 La première partie du film, jusqu'à l'apparition de Comte de Monte-Cristo, avec son déroulé très linéaire d'événements, peut être rendue sans grandes difficultés. Ce qui ne signifie pas que le génie ou l'originalité soient au rendez-vous. Le scénario prend tout son temps pour présenter certaines scènes, pas forcément palpitantes ou utiles, et supprime de grands pans nettement plus signifiants pour le parcours futur du Comte. Il en résulte un récit assez prosaïque, qui comblera difficilement aussi bien le passionné du livre que le découvreur novice. 
 
 La seconde partie est, reconnaissons-le, infiniment plus complexe, et, à l'évidence, impossible à développer en quatre vingt minutes de film. Est-ce un motif pour la commencer de manière aussi catastrophique en multipliant les raccourcis et les aberrations (tout le processus de prise de contact avec Albert de Morcerf à Rome réduit à dix secondes dans un bouge parisien ; le "coucou c'est moi Edmond" à l'égard de Mercedes dès la première rencontre ; et puis cette idée totalemen t ridicule de présenter un Comte dont l'apparence et le physique n'ont pas changé d'un iota !) ? Bref, tout cela ne se présente pas sous les meilleurs auspices. Et malheureusement, après un semblant d'amélioration passager, les mêmes énormités ou contre-sens s'invitent jusqu'à la fin, ce qui prouve, soit que les scénaristes se fichaient totalement de la psychologie du personnage de Dantès, soit qu'ils n'éprouvaient aucun respect pour l'oeuvre de Dumas, ce qui d'ailleurs revient au même. Ne parlons même pas du consternant duel final à l'épée, qui semble tout droit sorti d'un "Scaramouche" du pauvre... 
 
 Pour Jean Marais, hélas plongé dans une oeuvre qui tient plus du roman-photo banal que du drame visionnaire et métaphysique créé par Dumas.
   
Bernard Sellier