1900, film de Bernardo Bertolucci, commentaire

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1900,
           (Novecento),      1976, 
 
de : Bernardo  Bertolucci, 
 
  avec : Robert de Niro, Gérard Depardieu, Donald Sutherland, Alida Valli, Dominique Sanda, Burt Lancaster, Sterling Hayden, Romolo Valli,
Stefania Sandrelli,

 
Musique : Ennio Morricone


 
À l'aube du vingtième siècle, naissent en Italie, le même jour, deux enfants. Le premier, Olmo Dalco (Roberto Maccanti) est le petit-fils bâtard d'un ouvrier agricole, Leo Dalco (Sterling Hayden). Le second, Alfredo Berlinghieri (Paolo Pavesi), est le petit-fils de l'employeur de Leo, un riche propriétaire, nommé, lui aussi, Alfredo (Burt Lancaster). Les deux enfants grandissent côte à côte. Lorsque le vieil Alfredo se suicide, son fils Giovanni (Romolo Valli) fabrique un faux testament le rendant propriétaire des terres, au détriment de son frère Ottavio (Werner Bruhns), qui parcourt le monde. Mais les grèves commencent à se manifester dans le monde des ouvriers... 
 
 Cette gigantesque fresque historico-socialo-psychologique, parfois écourtée pour diverses raisons (la durée la rapproche davantage d'un téléfilm à épisodes que d'une oeuvre de cinéma, et certaines séquences sont d'une crudité rare pour l'époque), constitue une sorte de pendant au récent et merveilleux "Nos meilleures années". Tandis que l'histoire contée par Marco Tullio Giordana couvre la période sombre des années 60-70 avec les sanglantes exactions des "Brigades rouges", celle qui est décrite par Bertolucci se consacre aux premières décennies, non moins sombres, qui vont de la première guerre mondiale à la seconde. Dans les deux cas, c'est en suivant l'évolution de deux frères (ici, en l'occurrence, ce sont des faux frères, puisqu'ils naissent le même jour, dans le même lieu, mais aux deux extrémités de la société), que les réalisateurs explorent les mutations profondes qui secouent la société italienne et l'équilibre mondial. 
 
 Si "Nos meilleures années" attire immédiatement la sympathie et dégage un magnétisme envoûtant, il n'en est pas de même pour le film de Bertolucci. Les impressions ressenties, les réactions générées, sont pour le moins composites. L'abîme qui se creuse progressivement entre les différentes classes sociales, le crépuscule d'un monde inéluctablement condamné (Burt Lancaster crée un lien mélancolique avec son personnage aristocratique du "Guépard"), la montée du communisme et du fascisme, toutes ces facettes sont dessinées avec une originalité et, parfois, une intensité efficaces. Pourtant, si certaines scènes témoignent d'une inspiration exaltée (les ouvrières agricoles refusant de plier devant les soldats, et se couchant sur le sol devant les chevaux, l'enterrement des vieillards brûlés dans l'incendie de la "Maison du Peuple"), d'autres sont en revanche beaucoup moins convaincantes. Soit par leur longueur, soit par leur nécessité difficile à percevoir (la tuerie du cochon, la saoulerie d'Ada dans le bistrot), soit par une construction qui ressemble ponctuellement à une spontanéité artificiellement fabriquée (l'interminable "procès" fait au "patron" Berlinghieri à la Libération).  
 
 Bertolucci a toujours été un adepte de la lenteur. Mais celle-ci peut se révéler habitée. C'est le cas dans "Mort à Venise". Il n'en est pas toujours de même, (c'est un euphémisme), chez l'auteur du "Dernier Tango à Paris". ( Impression personnelle et subjective, bien sûr ! ). Exemple extrême, dans le cas présent : l'interminable (20') séquence de bal dans la grange. Si son utilité dramatique est plus que discutable, l'irritation qu'elle génère (en particulier à cause de Dominique Sanda, dont la préciosité de ton, le maniérisme frisent constamment l'insupportable), est tout à fait palpable.  
 
 À côté de ces passages exaspérants, surgissent quelques moments envoûtants, des personnages attachants ou saisissants. Le Leo d'un Sterling Hayden ("Johnny Guitar") vieillissant ; l'Alfredo de Burt Lancaster, simulant avec son petit-fils des séances de tir sur ses parents ; et surtout l'Attila de Donald Sutherland, figure monstrueuse d'un fasciste psychopathe.  
 
  Bilan très mitigé, certes, d'autant plus que l'inspiration a souvent le souffle court. Mais, au final, une fresque qui a l'intérêt de laisser très rarement indifférent.

   
Bernard Sellier