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Eiffel,
     2023, 
 
de : Martin  Bourboulon, 
 
  avec : Romain Duris, Emma Mackey, Pierre Deladonchamps, Bruno Raffaeli, Armande Boulanger,
 
Musique : Alexandre Desplat


 
Fin du dix-neuvième siècle. Un concours est lancé pour la construction d'un monument emblématique destiné à l'exposition universelle de 1900. Gustave Eiffel (Romain Duris) y participe et son projet est adopté. Il consiste en l'érection d'une tour métallique de 300m... 

 Cet ingénieur génial fait immédiatement penser au Philippe Petit de «Rêver plus haut». Deux hommes obsédés par un rêve fou, et capables de tout sacrifier pour y parvenir. Dans les deux cas, il est évident que le suspense est totalement absent, puisque chacun connaît le devenir des deux entreprises. Robert Zemeckis avait surmonté avec talent ce handicap, offrant au spectateur un véritable thriller, couronné de façon magistrale par un final qui tétanisait le coeur et vrillait les tripes. C'est loin d'être le cas ici.
  
 Il faut avouer que l'écriture d'un biopic de ce genre doit être le contraire d'une sinécure pour un scénariste. La conception théorique d'un tel monument n'est pas un matériau très cinégénique, et sa construction n'est pas vraiment susceptible d'engendrer un enthousiasme et une poésie intenses. Il est donc indispensable de trouver un support narratif capable de captiver le spectateur. Vers quoi se tourner, sinon un amour contrarié et tragique ? Celui-ci prend une place de plus en plus grande dans le récit, allant jusqu'à reléguer au second plan l'édification laborieuse de la tour, dont, il faut le dire, on se contrefiche un tantinet, puisque son destin est parfaitement connu. Il suffit de voir la rapidité avec laquelle est expédiée la construction des deux derniers étages, pour comprendre que les scénaristes semblaient avoir hâte de se débarrasser de ce géant de fer encombrant. La dernière scène est symptomatique, puisque la tour est quasiment oubliée au profit de la charmante Adrienne (Emma Mackey).
 
 Lorsqu'on examine ce film après sa vision, c'est cette touchante histoire d'amour qui demeure dans la mémoire, même si elle n'est pas d'une folle originalité. Ne serait-ce que pour les derniers regards, gorgés de passion, d'admiration et d'une infinie tristesse, que lance Adrienne à son amant de cœur. Bien que plus courts et moins intensément expressifs, ces plans d'Emma Mackey évoquent ceux, déchirants, qui clôturent le film de Taylor Hackford, «Contre toute attente», où le visage d'une sublime Rachel Ward exprimait en silence, grâce à des nuances infimes,  un florilège de nuances émotionnelles. 

 Ce film de Martin Bourboulon est à l'image du récent «Les trois mousquetaires» : classique, correct dans son évocation visuelle, mais lisse et sans inventivité artistique. Une histoire bien racontée, bien jouée, mais où manque un génie narratif capable d'emporter l'adhésion totale du spectateur. 
   
Bernard Sellier