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L'empire des sens,
    (Ai no corrida),     1976, 
 
de : Nagisa  Oshima, 
 
  avec : Tatsuya Fuji, Eiko Matsuda, Yasuko Matsui,
 
Musique : Minoru Miki


   
Lire le poème ( CinéRime ) correspondant : ' À corps perdu '

   
Abe Sada (Eiko Matsuda) est une jolie jeune femme, employée dans une sorte de salon de thé. A la suite d'une altercation avec la patronne, elle est remarquée un jour par le mari de celle-ci, Kichizo Ishida (Tatsuya Fuji). Elle devient sa maîtresse, puis prend carrément la place de l'épouse. Inséparables, ils se coupent petit à petit du monde pour savourer leur passion... 
 
   Le milieu de la décennie 70 a marqué la libération de la représentation sexuelle à l'écran. Lorsqu'on regarde aujourd'hui "La Ronde" (1964) de Roger Vadim ou certaines productions de l'époque avec Brigitte Bardot, qui étaient interdites aux moins de dix-huit ans, parce qu'un quart de sein apparaissait à l'écran, on ne peut que sourire. "L'empire des sens" est célèbre aujourd'hui encore pour son aspect provocateur. Celui-ci, il faut le reconnaître, n'a rien perdu, grâce à sa composition habile où se mêlent approche érotico-pornographique et art, de sa force et de sa démesure, malgré les "Baise-moi", "Anatomie de l'enfer", ou autres "Romance X". Dans les œuvres de Catherine Breillat, le plaisir sexuel est quasiment écrasé par un psychisme auto-masturbateur. Ici, c'est dans l'action physique que se manifeste la dérive pathologique mentale des personnages. Ceux-ci s'adonnent à un étrange jeu du Yin et du Yang, dans lequel c'est l'homme qui devient une sorte d'objet sexuel, de pantin obéissant. Le réalisateur ne cherche pas à s'enfoncer dans le gouffre intérieur des protagonistes, à disséquer les motivations profondes. 
 
   Comme un entomologiste, il observe les comportements, la répétitivité des gestes, les visages en quête d'absolu, les corps qui tentent désespérément d'atteindre un Nirvana impossible. Kichi passe progressivement de la situation de mâle dominant à l'état de proie soumise. Ada, inoubliable, tantôt enfant rieuse et spontanée, tantôt mante religieuse inquiétante et cannibale, s'enfonce, au-delà du simple plaisir, dans une sorte de fusion morbide, de désir perpétuel pathologique. Certes, l'ensemble est un peu long, d'une lenteur qui rend parfaitement tangible la plongée dans l'excitation permanente, dans l'oubli du temps, des rituels que sont la toilette, l'absorption de la nourriture, le besoin de sommeil. Mais le film conserve, trente ans après sa sortie, une aura magnétique qui grave chez le sepctateur le souvenir indélébile de ces amants quêtant dans la mort l'accomplissement d'une passion absolue.
   
Bernard Sellier