1920. Le jeune Pierre Abgrall (Didier Bienaimé), vient d'enterrer sa mère. Il quitte les Monts d'Arrée, où il a toujours vécu, pour gagner le bord de mer. Il est embauché par Jeanne (Anne Jacquemin), dont le mari, capitaine de "La Charmeuse", est parti plusieurs mois pour la pêche à la morue sur les bancs de Terre-Neuve. Pierre fait la connaissance de Marie (Florence Hebbelynck), qui attend impatiemment le retour de son fiancé, René, parti sur le même navire. L'attente est angoissée pour toutes les épouses de marins, qui redoutent, plus que tout, l'annonce d'un drame survenu en mer...
La première surprise est de réaliser que ce téléfilm a été tourné voici seulement 10 ans ! A l'heure où la plupart des oeuvres sont montées de manière, sinon épileptique, tout au moins fort turbulente, on se frotte les yeux de stupéfaction devant cette création plan plan qui semble issue d'un autre âge ! Dialogues maladroits, attitudes théâtrales, poses stéréotypées, étirement démesuré des scènes, sollicitation permanente de figures mélodramatiques, quasiment tous les aspects de l'histoire et de la mise en scène respirent l'absence de naturel, la fabrication laborieuse, le cliché postiche. Mais, plus triste encore, l'ensemble est d'une lenteur, d'une indolence, d'un statisme, qui feraient passer le Visconti de "Mort à Venise" pour un excité de la caméra ! Certes, le but est davantage de décrire une communauté avec ses moeurs, ses angoisses, ses espérances, ses traditions, que de construire une cascade de péripéties haletantes. Mais tout de même, il y a des limites à la patience du spectateur. Et, dans le cas présent, malgré la sympathie qu'inspirent ces personnages ancrés dans leurs idéaux et leurs souffrances, le survol de leurs destins apparaît tellement laborieux, mollasson, le récit affiche un tel engourdissement permanent, que l'intérêt se dilue inexorablement. Il est tout à fait possible, au milieu d'un épisode, d'aller manger un petit morceau, sans perdre quoi que ce soit du fil particulièrement ténu de l'intrigue. Le pire est que cet état lymphatique va en empirant avec l'avancée dans les épisodes, le comble étant (peut-être ?) atteint dans le quatrième, où l'on assiste (si l'on peut dire !) à une trame narrative qui tient de l'électro-encéphalogramme plat !
Aspect positif de cela : on ressent avec acuité le poids de l'absence, de l'ennui, de l'attente angoissée, qui pèsent sur ces femmes privées de leurs maris durant huit mois par an. Cela dit, le but de ce documentaire romancé n'est tout de même pas de provoquer la fuite du spectateur devant un délayage aussi intense. Or, une sacrée dose de bonne volonté est nécessaire pour attendre que la mayonnaise abandonne son aspect lavasse, et prenne enfin l'aspect d'un produit solide, hautement comestible. Quand un marin entonne pour la trentième fois sa petite chansonnette, quand nous est asséné, pour la soixantième fois, un "Je vous salue Marie", lorsque, pour la centième fois, nous est exposé le même plan de visages figés, il est impossible de réfréner une pulsion infernale : celle de voir surgir le Hannibal Lecter du "Silence des agneaux", ou le sadique pervers de "Saw", afin de décimer le troupeau moutonnant, et mettre un peu d'animation dans cette routine calamiteuse !...
Passons sur quelques détails bizarroïdes (un manège pour enfants avec des ampoules électriques en 1920 ??? ; une impression de playback mal synchronisé pour certains personnages ; un curé risible, à la bouille éternellement béate, complètement à côté de la plaque...)... Que reste-t-il de positif ? De magnifiques voiliers sur l'océan, des femmes à la beauté angélique, et une musique traditionnelle ensorcelante. Les 10h30 de la saga ont-ils été imposés par la chaîne qui a passé commande ? Nantie d'un tel scénario, l'oeuvre nécessitait, pour tenter de soulever l'enthousiasme, une sérieuse cure d'amaigrissement, un resserrement drastique de l'intrigue, et, surtout, l'absence d'un pathos larmoyant, qui ajoute le mauvais goût à l'ennui...