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Le hussard sur le toit,
     1995, 
 
de : Jean-Paul  Rappeneau, 
 
  avec : Juliette Binoche, Olivier Martinez, Gérard Depardieu, Pierre Arditi, Isabelle Carré, Jean Yanne, François Cluzet,
 
Musique : Jean-Claude Petit

   
   
Angelo Pardi (Olivier Martinez) est un Colonel de Hussards Italien en exil. Son rêve est de libérer l'Italie du joug Autrichien. Pour cette raison, il est condamné à mort à Turin. Réfugié à Aix en Provence, il échappe de peu à des espions venus de Vienne pour décimer les rebelles italiens. Son ami Giacomo (Paul Chevillard), est d'ailleurs assassiné. Dans sa fuite vers Manosque, où il compte retrouver l'un de ses compatriotes, il plonge en pleine épidémie de choléra, manque d'être lynché par une foule en transes qui le prend pour un empoisonneur, se voit rejoint par les assassins autrichiens, leur échappe encore, fait la connaissance d'une jolie préceptrice amatrice de littérature (Isabelle Carré), etc... 
 
   Jean-Paul Rappeneau, âgé de 71 ans, nous a prouvé, récemment, avec "Bon voyage", qu'il n'avait rien perdu de son inventivité et de son sens inné du rythme. Bien avant cela, il nous avait gratifiés d'un nombre d'œuvres restreint, mais quasiment toutes délectables, de "La vie de château" en 1966, à un mémorable "Cyrano de Bergerac" (1990), en passant par des aventures jubilatoires, style "Les Mariés de l'an II" (1971), ou "Le Sauvage" (1975). Ici, il ne déroge pas à sa règle. Si certains films possèdent un scénario rachitique, qui tiendrait sur un (ex) ticket de métro, celui-ci, dans sa première demi-heure, recèle plus de richesse événementielle que nombre de réalisations en cent minutes ! Poursuivi par de méchants Teutons, se heurtant, à chaque seconde, à des cadavres en décomposition, à la vindicte d'une foule hystérique, Angelo traverse des lieux divers à la vitesse de l'éclair, se bat, rencontre des personnages qui disparaissent trente secondes plus tard, fuit à nouveau, essuie des coups de feu, se casse la figure sur les toits, rencontre de charmantes damoiselles... Bref, tout cela relève d'un volcanisme échevelé, d'une excitation brouillonne, d'une accumulation hétéroclite, qui, pour une fois, masquent difficilement une artificialité gênante. Les protagonistes sont des sortes d'ombres chinoises, presque impalpables, qui n'existent que dans l'agitation chaotique de leurs personnages.  
 
   Pour quelles raisons ce rythme échevelé, qui conduisait à une réussite jouissive dans "Les Mariés de l'an II", par exemple, semble-t-il dans le cas présent, révéler surtout une vacuité constante, une superficialité chronique... ? Quelques explications, peut-être, parmi d'autres. Tout d'abord, le fait que la comédie, toujours sous-jacente aux drames qui émaillent les récits du réalisateur, se fait ici difficilement sentir. La trame semble hésiter entre les deux mondes opposés, opérer un grand écart hasardeux. Le second handicap tient sans doute à la distribution. Olivier Martinez, dont la nervosité orale et physique tient lieu d'expression, est loin de posséder le naturel, la classe, le panache, l'aura magique, spontanée, éruptive, de Belmondo ou de Montand. Même François Cluzet, d'ordinaire excellent, se montre relativement maladroit dans son petit rôle. Comme si l'excès hystérique qui lui est demandé dépassait manifestement le niveau énergétique compatible avec sa situation. Un troisième handicap, majeur, réside dans un cruel manque d'enjeu scénaristique. Durant plus d'une heure, notre Hussard a pour but annoncé de regagner son pays natal, afin de donner l'argent amassé par ses compatriotes à ses frères d'armes, peut-être aussi afin de retrouver sa mère qui, manifestement, lui manque. Mais ce dessein demeure bien vague, flou, incapable d'insuffler un intérêt majeur aux élans anarchiques du jeune homme.  
 
   Lorsque l'agitation de la première partie se calme, c'est un ennui distingué qui prend le relais, un comble chez Rappeneau qui, d'ordinaire, donne au spectateur l'impression que ce mot n'a jamais existé dans la langue française ! Malgré la finesse distinguée de Juliette Binoche, la machine semble tourner à vide. Pourtant, outre Jean Giono, auteur du récit, deux scénaristes (et non des moindres, en l'occurrence Nina Companeez et Jean-Claude Carrière ! ) se sont joints à Jean-Paul Rappeneau pour ciseler le bijou ! N'ayant jamais lu le roman de Giono, j'ignore totalement quelles sont les relations (intimes ou non) entre le roman originel et cette adaptation. En revanche, le souvenir que me laisse l'oeuvre cinématographique est double : une reconstitution historique tout à fait horrible, (donc très réussie !), de cette période épidémique, mais, surtout, une grosse déception dans la filmographie enthousiasmante de Jean-Paul Rappeneau...
   
Bernard Sellier