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Katla,
     Saison 1,    2021 
 
de : Baltasar  Kormákur, 
 
avec : Guðrún Ýr Eyfjörð, Íris Tanja Flygenring, Ingvar Sigurdsson, Þorsteinn Bachmann, Aliette Opheim,
 
Musique : Högni Egilsson


   
Ne pas lire avant d'avoir vu la série

 
Le volcan islandais Katla est en éruption depuis un an, et il ne donne pas de signes d'apaisement. Il ne reste plus que quelques habitants, parmi lesquels Grima (Guðrún Ýr Eyfjörð), son compagnon Kjartan (Baltasar Breki Samper), et son père Þór (Ingvar Sigurdsson). Un jour, une jeune femme recouverte de cendres volcaniques apparaît. Elle dit s'appeler Gunhild (Aliette Opheim), être originaire d'Upsala, et être employée à l'hôtel local Vik. La propriétaire reconnaît avoir employé une jeune femme de ce nom, mais vingt ans plus tôt... 
 
 Le thème de cette série créée par le réalisateur qui nous avait donné Everest et l'intéressante série Trapped, fait beaucoup penser à celui des Revenants. À la différence près que le résultat est radicalement différent. Si la série de Fabrice Gobert ne nous avait pas enthousiasmé, il n'en est pas de même ici. Certes, dans les deux cas, la lenteur est au rendez-vous. Mais celle qui nous est proposée ici est habitée de bout en bout par une émotion à fleur de peau, toujours empreinte de délicatesse dans ses vagues d'intensité, hormis dans les deux derniers épisodes qui confrontent le spectateur à des éruptions sauvages éprouvantes, tout en conservant une logique jamais prise en défaut. L'ensemble de cette histoire est fondé sur les légendes islandaises, les habitants étant très imprégnés par les forces naturelles et les esprits qui sont censés y vivre. Bien que le fantastique soit omniprésent, nous ne sommes en aucun cas en présence de surnaturel spectaculaire. Toutes ces personnes qui apparaissent, soit en remplacement d'êtres décédés - Asa (Íris Tanja Flygenring), le petit Mikael (Hlynur Harðarson) - ou en doublons de sujets toujours vivants - Gunhild (Aliette Opheim),  Grima, Magnea (Sólveig Arnarsdóttir) - peuvent en fait être vues comme des entités symboliques ayant pour mission de placer leurs proches dans une prise de conscience qui leur faisait défaut auparavant.

 Un atout supplémentaire, et loin d'être négligeable, est ce décor extraordinaire, quasiment lunaire, avec ses panaches de fumées permanents, son sol recouvert d'une couche de cendres, ses vents asphyxiants, ses roches noires qui paraissent appartenir à un astre extra-galactique. Ce réalisme climatique frappe par son autenticité crasseuse et repoussante, au point qu'on a presque parfois la sensation de respirer les fumées toxiques qui recouvrent la région. Les esprits amoureux de logique se demanderont sans doute pour quelle raison la jeune Gunhild, réapparue, ne s'étonne pas en retrouvant son bien-aimé de jadis, Þór, vieilli de vingt ans. Mais dans un drame de ce type, construit à la manière d'un conte, le rationnel narratif est forcément chamboulé, puisqu'il n'est pas l'élément primordial. Seul compte dans le cas présent le parcours émotionnel de ces personnages confrontés à la fois à l'invraisemblable sur le plan physique, et à la souffrance de leur reconstruction ou destruction, sur le plan intérieur. Et, sur ce plan, la réussite est impressionnante. Il est aussi important de mentionner la musique utilisée, très éloignée des canons habituels  inondant les œuvres récentes, qui propose quelques pièces d'une grande beauté. C'est le cas par exemple à la fin de l'épisode 5, avec la magnifique chanson intitulée Gratandi Jeg thig Beiði. Il est possible de trouver la BO sur Spotify.

   
Bernard Sellier