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Leon,
           1994, 
 
de : Luc  Besson, 
 
  avec : Jean Reno, Gary Oldman, Natalie Portman, Danny Ayello, Randolph Scott, Peter Appel,
 
Musique : Eric Serra, Björk

 
   
Léon (Jean Reno) est un tueur à gage solitaire et terriblement efficace. Un jour, il est contraint de recueillir une petite fille d'une dizaine d'années, Mathilda (Natalie Portman), dont la famille vient de se faire massacrer par un inspecteur ripoux de la brigade des stupéfiants, Stansfield (Gary Oldman). D'abord déconcerté par cette irruption dans son existence de misanthrope, Léon s'attache bientôt à cette nouvelle venue qui révolutionne sa vie... 
 
   Dans la lignée dramatico-policière initiée brillamment avec "Nikita" quatre ans plus tôt, loin des délires visuels et narratifs burlesques du "Cinquième élément", qui clamera son cousinage avec le monde de la bande dessinée futuriste, cette oeuvre s'enfonce dans l'univers intimiste de deux personnages extérieurs à la société et, quasiment, à la vie elle-même. Film policier, certes, avec ses fulgurances de violence sauvage, mais surtout fable poignante entre une "Belle" et une "Bête" qui, toutes deux, sont à la recherche désespérée de leurs racines. Cette quête initiatique de l'identité est miraculeusement servie par deux tempéraments au magnétisme intense : Jean Reno, sorte de brute fruste, illettrée, repassant avec application ses chemises et bichonnant sa plante verte comme un enfant, dont les capacités restreintes sont focalisées dans le perfectionnement du "nettoyage", devient en quelques traits succints une figure inoubliable. Quant à Natalie Portman, exceptionnelle révélation, alliant luminosité et noirceur, candeur et rouerie, avec un talent impressionnant et un vérisme incontestable, elle est une femme-enfant inondée de désespoir, imitant Charlot ou Gene Kelly avec la grâce d'une déesse pathétique. Sa puissance transperce l'écran à la manière miraculeuse d'un Haley Joel Osment.  
 
   Face à ces deux personnalités hors du commun, fascinantes, le représentant du mal, précurseur déjanté du Jean-Baptiste Emanuel Zorg, qui mène la vie si dure à la douce Leeloo dans "Le Cinquième élément". Un Gary Oldman sous acide, totalement disjoncté, qui, sans doute imprégné par son rôle dans la biographie beethovénienne sortie la même année ("Ludwig van B."), disserte sur les mérites comparés de Mozart et de Beethoven avant de trucider ses victimes, mais dont le personnage ne sombre pourtant jamais dans la caricature grotesque. 
 
   Sur une musique envoûtante d'Eric Serra, Luc Besson développe avec un sens inné du spectaculaire autant que de l'intimisme, une tragédie à l'atmosphère profondément originale, ascétique et sombre, construite sur un scénario spartiate, traversée de quelques rares éclairs sensibles ou poétiques. Lorsque l'on revoit une telle oeuvre, on ne peut que regretter la prépondérance du Besson producteur de niaiseries génératrices de fric facile, sur le Besson réalisateur inspiré.
   
Bernard Sellier