Nikita, film de Luc Besson, commentaire, site Images et Mots

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Nikita,
      1990, 
 
de : Luc  Besson, 
 
  avec : Anne Parillaud, Jean Reno, Jean Bouise, Tckeky Karyo, Jeanne Moreau, Roland Blanche, Jean-Hugues Anglade, Philippe Du Janerand,
 
Musique : Eric Serra


   
À peine âgée de vingt ans, Nikita (Anne Parillaud) participe, avec trois jeunes, en manque de drogue comme elle, au braquage d'une pharmacie appartenant au père de l'un d'eux. La police survient et la fusillade laisse plusieurs morts sur le carreau. Nikita elle-même, tue un flic. Elle est condamnée à la réclusion perpétuelle, mais a la stupéfaction de voir un infirmier venir lui faire une injection qu'elle croit mortelle. Lorsqu'elle se réveille, dans une pièce inconnue, elle apprend d'un homme mystérieux, Bob (Tchéky Karyo), la vérité. Elle passe, aux yeux de tous, pour s'être suicidée. L'unique chance de survie qui lui reste est d'accepter d'être formée afin d'effectuer certaines opérations secrètes pour le compte du Gouvernement. Les premières réactions de Nikita ne signent pas vraiment son approbation du plan qu'on lui impose... 
 
  Luc Besson possède un esprit et une personnalité éclectiques. S'il s'est enfoncé, depuis une décennie, dans les (innombrables : 70 depuis "Taxi" en 1998 !!!) productions de films pour le moins bas de gamme ( "Wasabi", la saga des "Taxi", "Le Transporteur"...), il sait aussi soutenir des oeuvres passionnantes ( "Entre ses mains"), et, à l'occasion, les écrire et les mettre en scène. Témoin cette "trilogie", si l'on peut dire, qui commence en 1990 par "Nikita", se poursuit par "Leon", puis par le jouissivement déjanté "Cinquième élément". Dans le parcours de cette junkie complètement défoncée, qui, lentement, trouve, ou plutôt, se voit imposer, une porte de sortie bien amère, Luc Besson malaxe avec un bonheur et une pertinence constants, des composantes hétéroclites, dont le mariage n'est pas toujours aisé.  
 
  Si, dans "Le Cinquième élément", le délire est l'élément maître du jeu, dans le cas présent c'est un cocktail savamment dosé qui nous est offert : la folie meurtrière côtoie l'innocence, le drame cohabite avec la joie spontanée, la violence voisine avec la pureté, l'humour léger frôle la sauvagerie. Et l'ensemble de ces ingrédients fusionne, au final, dans un chant d'amour inconditionnel, aussi émouvant que pudique. Anne Parillaud se révèle d'une justesse confondante, habitant les facettes antinomiques de sa personnalité avec autant d'intensité que de grâce. Sautant de l'expressivité débordante dans l'excès, à de subtiles intériorisations de l'émotion (micro-contractions du visage), elle est un volcan dont on ne peut jamais prévoir, ni l'instant de l'éruption, ni la qualité ou l'orientation de celle-ci. Jean-Hugues Anglade, tout en demi-teinte, distille avec discrétion un humour tendrement affectueux, une mélancolie résignée, et campe un personnage soli-lunaire très proche du Zorg de "37°2, le matin". Il est même impossible de regretter le parachutage impromptu du "nettoyeur" Victor (Jean Reno). Certes, ses gros sabots déjantés détonnent quelque peu dans la logique d'efficacité discrète prônée par Bob, mais cette irruption sanglante et désordonnée trouve sa pleine justification dans le renvoi de Nikita face à son délire originel, tout en objectivant l'illusion de sa rédemption. Une oeuvre enthousiasmante.
   
Bernard Sellier