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Ludwig, le crépuscule des dieux,
    (Ludwig II),    1972, 
 
de : Luchino  Visconti, 
 
  avec : Helmut Berger, Romy Schneider, Gert Fröbe, Trevor Howard, Silvana Mangano, Sonia Petrovna, Umberto Orsini, Helmut Griem,
 
Musique : Richard Wagner, Robert Schumann

  
   
Ludwig (Helmut Berger) est couronné Roi de Bavière. Il profite de sa nouvelle situation pour faire venir auprès de lui l'être qu'il considère comme un génie surhumain, Richard Wagner (Trevor Howard). Mais celui-ci fait scandale en affichant sa liaison avec Cosima (Silvana Mangano), épouse du chef d'orchestre Hans von Bülow (Mark Burns). Incompris de ses proches, Ludwig trouve quelque réconfort auprès de sa cousine Elisabeth d'Autriche (Romy Schneider). Mais le poids des responsabilités politiques pèse de plus en plus sur ses épaules... 
 
  Eloigné de la magie surnaturelle, éthérée, de "Mort à Venise", ainsi que de l'effroyable descente aux enfers des "Damnés", c'est plutôt vers la mélancolie altière du "Guépard" que se tourne cette oeuvre. Mais là où Don Fabrizio Salina conservait jusqu'au bout une lucidité aussi froide que désespérée, Louis II sombre progressivement dans un autisme agressif et auto-destructeur. Au fil de longues scènes, nous assistons à la subtile dégradation du mental de celui qui était écartelé entre des rêves d'inaccessible beauté et la dure réalité de l'incarnation physique, avec ce que cela suppose de limitations. Celles de l'argent furent bousculées grâce à sa position de monarque, donnant naissance aux merveilles que seront les châteaux (Neuschwanstein, en particulier, mais aussi le grandiose Herrenchiemsee, avec sa galerie des glaces plus longue que celle de Versailles !). Il n'en fut pas de même des autres, qu'elles soient artistiques ou sentimentales, ce qui pesa lourdement sur la raison déjà fragile du Roi. Incapable d'enfanter par lui-même des oeuvres immortelles, il crut pouvoir vivre ses pulsions créatrices à travers la personnalité de Wagner, mais la déception fut à la mesure du gigantisme des espoirs placés en lui. Quant à l'amour, ce ne fut guère plus brillant, puisque sa tentative désespérée de plonger dans le mariage traditionnel avec la soeur de Sissi, la charmante Sophie (Sonia Petrovna), dut céder devant les poussées homosexuelles qui torturaient son corps.  
 
  Fidèle à son attirance pour la lenteur, Visconti visite avec une sensibilité méditative un certain nombre de phases clés dans la vie de Louis, suivant en cela les diverses accusations proférées par les ministres qui étudiaient les motifs susceptibles de justifier la destitution du monarque. Grâce à l'incarnation exceptionnelle qu'Helmut Berger donne de son personnage (regard de braise dans un visage d'ange), mais aussi à son génie propre, le réalisateur est parvenu à insuffler la vie jusque dans les derniers instants de la courte existence de cet être hors normes, d'où, justement, la vie s'était quasiment retirée. Les rares instants lumineux naissent de la radieuse Romy Schneider, étoile filante et anti-conformiste dans un monde bridé par les contingences matérielles.
   
Bernard Sellier