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Le maître du jeu,
     (Runaway jury),       2003, 
 
de : Gary  Fleder, 
 
  avec : Gene Hackman, John Cusack, Dustin Hoffman, Rachel Weisz, Bruce Davison, Bruce McGill, Nick Searcy,
 
Musique : Christopher Young, David Baerwald


   
Un matin ordinaire à la Nouvelle Orléans. Jacob Wood (Dylan McDermott), un courtier, se rend à son travail. Quelques minutes plus tard, il est abattu avec une dizaine de ses collègues par un homme récemment licencié. Deux ans plus tard, sa veuve, Céleste (Joanna Going), attaque les fabricants d'armes, coupables, selon elle, d'avoir donné au meurtrier la possibilité de perpétrer son coup de folie. A ses côtés, l'avocat Wendell Rohr (Dustin Hoffman), bien décidé à faire plier le consortium pour la première fois. Mais la puissance financière des sociétés mises en accusation est phénoménale. De plus, elles se sont adjoint les services de Rankin Fitch (Gene Hackman), prêt à tout pour obtenir la victoire judiciaire. Le premier pas réside dans le choix judicieux des jurés, dont la vie privée est décortiquée dans les moindres détails. Nicholas Easter (John Cusack) est, contre sa volonté, accepté par les deux parties. Mais, bientôt, Rohr et Fitch se rendent compte qu'un personnage mystérieux, Marlee (Rachel Weisz) semble vouloir brouiller les cartes... 
 
   Brillante est le qualificatif qui paraît le mieux s'adapter à cette oeuvre. Clinquante, diront certains... La distribution est rutilante, partagée entre un Gene Hackman toujours grandiose, qui, depuis plus de trente ans qu'il tourne, semble avoir toujours le même âge, la même énergie charismatique, un Dustin Hoffman faussement falot ou faussement impérial, selon le point d'observation, et un John Cusack jouant subtilement, dans un personnage en demi-teinte, une sorte de catalyseur dont la discrétion égale l'efficacité.  
 
   Scénario particulièrement séduisant et retors, roublard, diront certains, qui, s'il n'approfondit que superficiellement les caractères, s'en donne à coeur joie dans la manipulation, la complexité, les faux-semblants, tout en conservant avec fermeté le cap initial. 
 
   L'exercice est jouissif, évoquant, par moments, un mixage de "Révélations", "Usual suspects" et "12 Hommes en colère". Les personnages sont nombreux, jouent souvent un double, voire un triple jeu ; le montage est vif, incisif, agité parfois ; dans la seconde moitié du film, la machine s'emballe, la suggestion fait son apparition... Toute cette conjonction de qualités concourt à la jubilation que l'on peut ressentir en tant que témoin de cet embrouillamini excitant pour les neurones, mais demande une attention soutenue pour ne pas se perdre dans les méandres des fausses intentions ou des vrais mensonges. Une seconde vision n'est pas superflue, pour qui veut apprécier toutes les subtilités de cette ténébreuse intrigue. 
 
   La forme, spectaculaire, hyper-vivante, qui cache savamment un certain simplisme sous ses dehors somptueux, en ferait presque oublier le fond, pourtant primordial, à savoir les effets horriblement pervers d'un amendement, dont l'une des conséquences est qu'il est aussi facile, pour un enfant de dix ans, de se procurer un 357 magnum que le dernier jeu vidéo ! Certains, comme Charlton Heston, sont satisfaits de cet état de choses. Pour d'autres, c'est un retour incontestable à la barbarie. Quelle que soit l'opinion de chacun, il est indéniable que le problème est majeur. Quant au spectacle qu'offre cette confrontation judiciaire, il ne peut que saborder définitivement les quelques éventuelles illusions que certains auraient pu conserver sur la justice et sa droiture ! Car il est inutile de se voiler la face en disant qu'il s'agit d'une fiction ! La réalité ne le cède certainement en rien à la pourriture qui nous est montrée, résumée cyniquement par une phrase de Fitch au début du film : "un procès c'est trop important pour être confié aux seuls jurés"... 
 
   Fascinant.
   
Bernard Sellier