Simon, réalisateur aguerri, est sur le point de commencer le tournage d'un film social, inspiré par la lutte d'ouvriers victimes de la fermeture de leur usine. Jeff (Riad Gahmi), authentique membre de l'entreprise, est incarné à l'écran par Alain (Jonathan Cohen). Mais, dès le premier jour, les difficultés s'accumulent, en particulier sur le plan financier. Michel Marquez (Xavier Beauvois), producteur et ami de Simon, a fourni à ses bailleurs de fonds un scénario dont la fin est remaniée, sans en avertir le réalisateur...
Il est amusant de voir ce film quelques jours après avoir dévoré le livre jubilatoire de Fabrice Caro Journal d'un scénario, qui conte les déboires parfois hilarants d'un scénariste, contraint de céder à toutes les exigences de son producteur.
Cédric Kahn aime les films choraux, comme en témoignait Fête de famille en 2019. Le spectateur est ici plongé dans le tournage d'un film qui est manifestement à très petit budget, puisqu'un potentiel déficit d'un million d'euros est susceptible de faire capoter le projet. L'histoire est fondée sur l'avalanche des contraintes, des écueils, voire des catastrophes qui menacent en permanence le tournage et l'existence même d'un film. Au cœur de l'ambiance, parfois festive, parfois sombre, qui fluctue au gré des pressions extérieures ou intérieures, fleurissent les galères, les guerres d'ego, les espoirs, les dilemmes, les jalousies, les rêves, de tous les membres d'une équipe censée être soudée pour donner le meilleur d'elle-même. Tout ce microcosme est intensément vivant, grouillant, ce qui est très bien rendu par le récit. Denis Podalydès et Jonathan Cohen dominent ce petit monde, le premier dans une descente vers la déprime, le second dans une glorification d'un ego bien consistant. Une mention spéciale également à Xavier Beauvois, dans son rôle de producteur aussi lâche que pourri.
L'ensemble de cette aventure est sympathique, mais elle a le handicap d'aligner des péripéties très prévisibles, au point que l'on pourrait, dès le début, écrire le déroulé de l'histoire. En tant qu'apprenti scénariste, je sais qu'il doit être difficile de concevoir un récit de ce genre en évitant les stéréotypes qui sont au cœur même de la création cinématographique. À savoir la gestion des ego, les aspirations des artistes inconnus pour promouvoir ce qu'ils considèrent comme un chef-d'œuvre, le pouvoir magnétique des actrices et des acteurs sur des anonymes fascinés par la beauté et la gloire, le combat éternel entre les visions des créateurs et les contraintes financières... On se souvient de Michael Cimino et de sa ruineuse Porte du Paradis, ou de Luc Besson et les 225 000 000 de dollars de Valerian et la cité des mille planètes. Hormis cette prévisibilité, dont plusieurs composantes étaient difficilement évitables, peut-être eût-il été judicieux de mettre un bémol sur l'aventure amoureuse de Joseph (Stefan Crepon) avec l'actrice Nadia (Souheila Yacoub), qui apparaît comme collée de façon artificielle. Mais la critique est hélas toujours plus aisée que la création...