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La nuit nous appartient,
       (We own the night),     2007, 
 
de : James  Gray, 
 
  avec : Joaquin Phoenix, Mark Wahlberg, Eva Mendes, Robert Duvall, Alex Veadov, Tony Musante, Moni Moshonov,
 
Musique : Wojciech Kilar

 
   
Robert "Bobby" Green (Joaquin Phoenix) dirige une boite de nuit qui appartient à un vieux Russe, Marat Buzhayev (Moni Moshonov). Très satisfait de son état, ainsi que des charmes de sa petite amie, Amada Juarez (Eva Mendes), il se fiche comme d'une guigne de son frère Joseph (Mark Wahlberg) et de son père Albert (Robert Duvall), tous deux flics à New York. Un jour, les deux policiers informent Bobby qu'ils sont décidés à mettre fin aux agissements du neveu de Marat, Vadim Nezhinski (Alex Veadov), qui cherche à devenir le caïd de la drogue en utilisant la boite de nuit comme lieu de distribution. Lorsque Joseph est grièvement blessé par un tueur inconnu, Bobby commence à prendre conscience de la réalité du milieu dans lequel il s'épanouissait jusqu'alors... 
 
   Le spectateur qui s'attend à voir une fresque brillante, haute en couleurs, riche en personnages pittoresques et débordante de violence, façon "Les Affranchis", "Casino", ou encore "L'année du Dragon", risque d'être fortement déçu. James Gray a choisi de construire une histoire simple, habitée par un nombre restreint de personnalités, et de centrer l'intérêt sur les drames intimes expérimentés par chacun d'eux. Tout cela sans fioritures, sans violence gratuite, sans esbroufe de mise en scène, dans une atmosphère sombre qui n'est pas sans rappeler le ténébreux "Training Day" d'Antoine Fuqua. Grâce à un quatuor d'acteurs très convaincants (mais moyennement doublés pour certains...), il est aisé de se laisser emporter par cette mini tragédie familiale dans laquelle s'entremêlent l'initiation aux responsabilités, le sens du devoir, les difficultés de construire une vie familiale épanouie, et l'angoisse permanente qui tenaille ces êtres téméraires mais fragiles. 
 
   Au fur et à mesure que se déroule l'histoire, un écueil grossit cependant. A force de tourner le dos à la démesure, au spectaculaire, ce qui est, en soi, louable, mais en fermant, par la même occasion, la porte à toute forme d'extraversion, de passion, d'engagement, de tension, de suspense, comme si chaque velléité d'aspérité se voyait immédiatement arasée, le réalisateur refuse au spectateur toute bouée à laquelle il serait susceptible de s'accrocher. Cette ascèse, conjuguée à un cadre de vie réduit au strict minimum, à une photographie aux couleurs ternes, à une suite de décors froids, à un méchant quasiment absent, ne rend pas l'ensemble immédiatement séduisant. Un effort soutenu est demandé au spectateur pour s'investir dans les replis intimes de cette famille. S'il y parvient, il goûtera avec joie les qualités discrètes et humaines de l'oeuvre. 
 
   P.S. À noter l'horripilante présentation du film par les "Bonimenteurs", d'autant plus énervante qu'il est impossible de la zapper... Quand les fabricants de DVD cesseront-ils de prendre en otage les acheteurs pour leur imposer ce qu'ils n'ont pas forcément envie de voir ?
   
Bernard Sellier