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Open range,
          2003, 
 
de : Kevin  Costner, 
 
  avec : Kevin Costner, Robert Duvall, Annette Bening, Michael Gambon, Michael Jeter, Diego Luna, James Russo,
 
Musique : Michael Kamen

   
   
Boss Spearman (Robert Duvall) et Charley Waite (Kevin Costner) travaillent ensemble depuis une décennie, conduisant à travers les Etats-Unis des troupeaux de bétail itinérants. Ils ont comme coéquipiers le jeune Espagnol Button (Diego Luna) ainsi que le gros et jovial Mose (Abraham Benrubi). Ce dernier, envoyé dans une ville qu'ils viennent de dépasser, pour faire quelques courses, ne revient pas. Et pour cause, il a été emprisonné par le shériff Poole (James Russo). Boss parvient à le faire libérer. Mais Denton Baxter (Michael Gambon), gros propriétaire qui tient la ville dans sa main, les menace. Quelques heures plus tard, Mose est tué et Button grièvement blessé. Charley et son compagnon ramènent l'adolescent à la ville chez le docteur Barlow (Dean McDermott)... 
 
   Treize ans après "Danse avec les loups", qui tenait autant du western que de la fresque méditative, et quelques tentatives pour le moins douteuses (telles "Waterworld" ou "The Postman"), Kevin Costner revient, sous la double casquette de réalisateur et d'acteur, vers du classique de chez classique. On pense tout de suite à "Réglement de compte à O.K.Corral" ou au "Train sifflera trois fois". Autant dire que les références sont d'une haute qualité. Deux personnages vieillis, par les épreuves et la perpétuelle mouvance, sinon par l'âge, puisque Charley est relativement jeune ; de vastes espaces vierges où les troupeaux et les hommes se déplacent (théoriquement) en liberté... Et puis le grain de sable qui va stopper net cette indépendance, dans la personne du traditionnel propriétaire dont le pouvoir tyrannique s'est étendu sur une ville entière. Rien que nous n'ayons vu cent fois : le shériff lâche, dont le seul rôle est de lécher les bottes de son employeur, les habitants apeurés, qui s'enferment à double tour dès qu'un affrontement s'annonce, et deux personnages venus de nulle part, qui se voient contraints de replacer la vie de la cité dans un chemin plus conforme à l'honneur.  
 
   Le réalisateur prend tout son temps pour mettre en route cette histoire simplissime. Le rythme de la narration s'harmonise avec la lassitude qu'on devine dans les corps et les coeurs de ces hommes qui travaillent ensemble depuis plus de dix ans, et ne connaissent même pas leurs véritables noms ! Le sentiment vient même, au bout d'un certain temps que tout cela est beau, majestueux, mais néanmoins passablement vide. Ce qui n'est d'ailleurs pas faux en soi. Mais, insensiblement, par petites touches imperceptibles, au fil de la dramatisation des événements, des confrontations de plus en plus aiguës, et, surtout, par la grâce d'un personnage féminin magnifique de sincérité et de noblesse, la vacuité se comble d'une humanité vibrante et authentique.  
 
   Les dialogues, toujours simples, laissent émerger la dignité des individualités, les situations, même primaires, découvrent l'intimité des âmes. Tandis que la violence des affrontements s'accroît, la quête intérieure des trois principaux personnages se dessine. Fuyant tout spectaculaire, toute esbroufe, Kevin Costner nous gratifie d'une histoire simple, racontée avec une pudeur sincère, une timidité frémissante, dont l'austérité sert merveilleusement ce que l'on peut supposer être le dernier combat de ces hommes désabusés. Loin de son rôle de jeune chien fou dans "Silverado", l'acteur-réalisateur campe ici un être fragile, culpabilisé par une dérive criminelle qui le poursuit et l'obsède, dont la sobriété n'a d'égale que l'humanisme touchant. Quant à Boss, son apparence originelle fruste évolue elle aussi vers une sagesse naturelle empreinte de bonté qui est le signe des esprits évolués.
   
Bernard Sellier