De l'or pour les braves, film de Brian G.Hutton, commentaire

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De l'or pour les braves,
        (Kelly's heroes),     1970, 
 
de : Brian G.  Hutton, 
 
  avec : Clint Eastwood, Donald Sutherland, Telly Savalas, Carroll O'Connor, Don Rickles, Harry Dean Stanton, Gavin MacLeod,
 
Musique : Lalo Schifrin

  
   
Le débarquement en Normandie vient d'avoir lieu quelques semaines plus tôt. Les troupes américaines sont à proximité de Nancy, mais ne peuvent avancer, l'armée allemande leur faisant barrage. Kelly (Clint Eastwood) s'aperçoit un jour que l'officier allemand placé sous sa garde, transporte une mallette contenant des lingots d'or. Ayant saoulé son prisonnier, il apprend que onze mille barres semblables dorment dans une banque à quelques dizaines de kilomètres de là, attendant d'être embarquées dans un convoir à destination de l'Allemagne. Profitant d'une absence de trois jours du Capitaine Maitland (Hal Buckley), Kelly convainc un groupe de compagnons d'aller chercher le trésor. Oddball (Donald Sutherland), surnommé "le cinglé", ayant surpris le secret, impose sa présence d'autant plus facilement qu'il emmène avec lui trois chars Sherman. Même le Sergent Big Joe (Telly Savalas) se laisse embringuer dans l'expédition... 
 
   Brian G.Hutton n'a tourné que neuf films, dont sept quasiment inconnus. Mais deux perles émaillent ce parcours discret : "Quand les aigles attaquent", sorti deux ans plus tôt, mélange détonant de guerre et d'aventures palpitantes, bâti sur un scénario particulièrement subtil ; et cette oeuvre-ci, qui demeure, trois décennies après, toujours aussi jouissive. Nous sommes à mille lieues des drames horrifiques style "Il faut sauver le soldat Ryan" ou "Les larmes du soleil". Sans jamais descendre au niveau de la farce, l'histoire suit avec délectation cette bande de soldats bizarroïdes qui, grâce à leur coup de main sur seize millions de dollars, vont permettre au Général Colt (Carroll O'Connor) de sauver l'honneur de l'armée américaine, en profitant de la brèche qu'ils ont ouverte pour repartir de plus belle en direction de Berlin. Outre une construction sans temps mort, le film marie avec bonheur humour et sérieux. Malgré la légèreté du propos, et la douce insolence de ces militaires plus que marginaux, le drame sait apparaître lorsqu'il le faut, sans qu'aucun hiatus malencontreux ne se manifeste lors des ruptures de ton.  
 
   Mais bien sûr, plus encore que l'aventure, aussi captivante soit-elle, c'est la galerie de personnages croustillants et déjantés qui fait le prix de cette fresque bariolée. Avec, trônant de façon impériale, un Donald Sutherland déchaîné, qui, dans la version française, tout au moins, balance à tour de gosier ses répliques succulentes. Appelant chacun "mon mignon", pestant en permanence contre les "ondes négatives" que son compagnon balance sans considération pour "la beauté", se réjouissant de voir le petit "pont-pont" intact, une seconde avant qu'un avion allié ne l'envoie au fond du fleuve, balayant l'environnement d'oeillades théâtrales à tout bout de champ, se dressant, tel un centaure sur son char tandis que la musique s'échappe à fond des hauts-parleurs installés pour faitre trembler l'ennemi, il est un régal de tous les instants. Déjà savoureux dans le rôle de Vernon L. Pinkley ("Les 12 salopards"), trois ans plus tôt, il confirme ici qu'il entre, avec une maestria incomparable, dans la peau des illuminés frénétiques. Sans atteindre cette intensité d'exaltation pathologique, le Général Colt est également une assez belle réussite dans la galerie des couillons galonnés. Et les remous de ce bouillonnement espiègle se mêlent harmonieusement avec le sérieux permanent de Clint Eastwood.  
 
   Un plat délicieux, jubilatoire, couronné, cerise sur le gâteau, de chansons dynamiques qui, elles aussi, demeurent gravées dans la mémoire.
   
Bernard Sellier