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La passion du Christ,
     (The passion of the Christ),      2004, 
 
de : Mel  Gibson, 
 
  avec : Jim Caviezel, Monica Bellucci, Claudia Gerini, Maia Morgenstern, Sergio Rubini,
 
Musique :  John Debney

  
   
Les douze dernières heures précédant la crucifixion de Jésus-Christ...  
 
   Les vagues de commentaires ayant accompagné la sortie de ce film étaient tellement imposantes quantitativement, et extrémistes qualitativement, que j'avais l'impression de l'avoir visionné avant de rentrer dans la salle ! La gageure était donc de faire abstraction de tout ce qui avait été dit, écrit, et de porter sur lui un regard aussi objectif que possible.  
 
   J'ai toujours beaucoup apprécié Mel Gibson, en tant qu'acteur à l'expressivité extravertie et souvent jouissive, ainsi qu'en tant que réalisateur, avec une mention spéciale pour son flamboyant "Braveheart", excessif mais poignant. J'avoue donc d'autant plus tristement mon affliction devant cette prétendue "Passion du Christ" qui se révèle encore pire, si c'est possible, que ce à quoi je m'attendais ! 
 
   Bien sûr, nous assistons, médusés, à un étalage voyeuriste (les gros plans qui relèvent presque de la macrophotographie, des fois que l'on n'aurait pas vu d'assez près les plaies !), écœurant, par moments d'un ridicule achevé (le démon qui se promène avec son serpent !), d'un goût non pas mauvais, mais exécrable (on se croirait par moment dans un "Zombie 3, le retour" !), simpliste (les quelques scènes ne relevant pas de la boucherie se contentent d'offrir platement les quelques grandes phrases des Evangiles), complaisant (les bourreaux sont des sortes de malades hystériques à côté desquels Hannibal Lecter ferait figure d'enfant de choeur !), bref, totalement dénué de spiritualité. En somme, à un nivellement par le bas et le négatif le plus absolu, de tout ce qui fait la grandeur du message Christique. C'est déjà beaucoup ! Mais ce qui, à mon sens, est de loin le plus grave, le plus inquiétant, c'est que cet ensemble, au rayonnement planétaire programmé, est d'une stupidité que j'appellerai de "seconde catégorie", hautement dangereuse parce que manipulatrice des consciences ! 
 
   La stupidité peut se classer en deux catégories : celle qui relève d'une ignorance basique, annihilant d'avance toute réflexion mentale par l'absence de connaissance, et ne cherchant jamais à quitter son néant. Celle-ci est triste mais non menaçante. La seconde est totalement différente. Elle ne se contente pas de végéter dans son vide sidéral et met habilement en exergue un élément simpliste, qu'elle utilise habilement comme moteur de la haine qui l'habite, comme fer de lance d'une sournoise manipulation des masses !  
 
   Car, toutes images ingérées ( et non régurgitées ! ), une question majeure s'impose : quel peut bien être l'intérêt d'une telle "oeuvre" ? Lorsque l'on assiste à la projection du "Silence des agneaux", de "Bone collector" ou autres "Seven", la mécanique émotionnelle générée est simple : on n'éprouve que deux désirs fondamentaux (à moins d'être un cas pathologique, bien sûr !) : voir la ou les victime(s) s'en sortir vivante(s), et assister au châtiment du meurtrier ! Dans le cas présent, le premier souhait n'a aucune raison d'être puisque l'issue du scénario est bien connue ! Que reste-t-il donc, les responsables étant désignés ?... L'intensité maladive, l'excès sadique dans l'horreur semblent n'avoir pour unique but que de rendre la conscience du spectateur sortant, différente de celle qui était la sienne en entrant, et, de plus, orientée dans un sens bien précis !  
 
   Tous les fascismes, racismes, sectes dangereuses emploient cette technique fondamentale afin de transformer en zombies les adeptes, et cela fonctionne apparemment très bien, grâce à l'utilisation retorse de deux qualités (négatives) humaines primordiales : la frustration et l'ignorance. "Vous êtes dans la souffrance" ? "Vous ne savez pas comment en sortir" ? "Facile" ! Le groupe "X", la société "Y", la religion "Z" sont la cause évidente de vos tourments ! Eliminez-les, et tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes ! Et si, actuellement, les responsables extrémistes de l'Islam brandissent le nom de "Dieu" au bout de leur fusil, prouvant de ce fait que, pas une seconde, ils n'ont expérimenté dans leur être ce qu'est l'Amour divin, il ne faut pas oublier que, durant de nombreux siècles, c'est le Catholicisme qui s'est chargé de cette abomination. On pouvait croire une telle période d'obscurantisme définitivement révolue. Celle où le châtiment corporel tenait lieu de purification des prétendus péchés : "flagelle-toi bien, mon fils, et tu feras sortir le vilain démon de tes entrailles !". La phrase mise en citation avant le commencement du film va d'ailleurs tout à fait dans le sens de ce retour régressif aux pires délires de la religion moyenâgeuse : "Par ses blessures, nous sommes guéris". Avec l'amoncellement de plaies qui s'étalent sous nos yeux durant deux heures, il est évident que la guérison du monde est proche ! 
 
   Sans doute cette conception affligeante est-elle effacée, espérons-le, pour une grande majorité de Chrétiens. Malheureusement (pour eux, principalement !), subsistent encore des personnes pour lesquelles la mission d'Amour et d'Unification Christique se résume à un rabotage de planches ou à une crucifixion ! Pour lesquels la parole "Aimez-vous les uns les autres" doit laisser place à un péremptoire : "voici les coupables"... Quelle tristesse !  
 
   Bien sûr, il est important de relativiser et de ne pas se laisser emporter par ce vers quoi, justement, Mel Gibson voudrait nous entraîner : l'obscurcissement de la pensée et l'élan agressif vengeur ! Toute cette mise en scène grandiloquente, horriblement réductrice, est avant tout ridicule ! Autant que peut l'être la caricature de spiritualité d'un gourou médiatique raëlien. Mais tristesse tout de même, parce que rabaisser de la sorte le plus grand des Maîtres Cosmiques, réduire sa mission planétaire à quelques images de carte postale et deux heures de mise en charpie, relève non seulement d'un parti-pris extrémiste, mais, pire encore, d'un insultant mépris pour cet Être de Lumière unique ! Tout se résume finalement à cette question : que souhaite-t-on retenir de l'incarnation terrestre de l'entité exceptionnelle qu'est le Christ ? Est-ce le martyre subi par le véhicule corporel qu'il avait choisi soigneusement, ou est-ce la transfiguration de l'Être spirituel et le pouvoir de l'Amour cosmique qu'il nous a légué ? Mel Gibson a de toute évidence opté pour le premier choix.  
 
   Reste une autre éventualité, à laquelle je ne croyais pas originellement, mais qu'il est tout de même possible d'envisager : à savoir que Mel Gibson, en habile manager jouant sur plusieurs tableaux "porteurs" (la religion, le personnage du Christ, l'antisémitisme millénaire, l'attirance morbide pour l'hyperviolence) , a subtilement et efficacement calibré son oeuvre afin d'engranger le plus de recettes et de notoriété possible. Dans cette hypothèse, le but est parfaitement atteint, ce qui n'empêche évidemment pas le résultat d'être tout aussi abject ! (D'ailleurs, lorsque l'on se rend sur le site cinématographique américain IMDB, on constate avec une certaine stupéfaction mêlée d'incrédulité, que 17 000 votes accordent à cette réalisation une excellente note moyenne de 7,5 !). Sans parler du Vatican qui donne son aval à cette optique axée sur la monstruosité de l'humain ! On croit rêver ! Glaçant ! 
 
   Tous ceux qui ne sont pas satisfaits de la version "officielle" biblique, et sont intéressés par une vision, certes étonnante et/ou dérangeante, mais en tout cas particulièrement enrichissante de la mission du Christ, peuvent se plonger dans les conférences données au début du vingtième siècle par Rudolf Steiner sur les quatre Evangiles ainsi que dans "De Jésus au Christ". Peut-être n'adhéreront-ils pas sur tous les points à ce que Steiner affirme. Ce qui est certain, c'est que l'on sort de cette lecture spirituellement grandi. Tout le contraire de ce qui se passe lorsqu'on émerge de la séance Gibsonienne ! 
 
   Un dernier mot tout de même, assurément secondaire, sur l'incarnation de Jim Caviezel. Après avoir effectué, en 2002, un massacre en règle d'Edmond Dantès ("La vengeance de Monte-Cristo"), il participe en 2004 à un laminage intégral de Jésus-Christ... Des choix bien étranges, pour ne pas dire bizarres...
   
Bernard Sellier